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que pourvu que j’aie assez de force pour monter convenablement sur l’échafaud, c’est tout ce que les hommes peuvent me demander et tout ce que je puis demander à Dieu.

— Mais qui vous dit que vous serez condamné à mort ? dit le docteur.

— Ma conscience, docteur : j’ai joué une partie dont ma tête était l’enjeu ; j’ai perdu, je suis prêt à payer, voilà tout.

— N’importe, dit le docteur, mon opinion est que vous avez encore besoin de quelques jours de soins avant de vous exposer aux fatigues des débats et aux émotions d’un jugement.

Mais, le même jour, Georges écrivit au juge d’instruction qu’il était parfaitement guéri, et par conséquent à la disposition de la justice.

Le surlendemain, les débats commencèrent.

Georges, en arrivant devant ses juges, regarda avec inquiétude autour de lui, et reconnut avec joie qu’il était le seul accusé.

Puis son regard parcourut avec assurance toute la salle ; la ville tout entière assistait à l’audience, à l’exception de monsieur de Malmédie, de Henri et de Sara.

Quelques assistants paraissaient plaindre l’accusé ; mais la plupart des visages n’avaient d’autre expression que celle de la haine satisfaite.

Quant à Georges, il était calme et hautain comme toujours. Sa mise était comme d’ordinaire, une redingote et une cravate noires, un gilet et un pantalon blancs.

Son double ruban était noué à sa boutonnière.

On lui avait nommé un avocat d’office, car Georges avait refusé de faire aucun choix ; son intention n’étant point qu’on essayât même de plaider sa cause.

Ce que Georges dit ne fut point une défense, ce fut l’histoire de toute sa vie : il ne cacha point qu’il était revenu à l’Île de France dans l’intention de combattre, par tous les moyens possibles, le préjugé qui pesait sur les hommes de couleur ; seulement il ne dit pas un seul mot des causes qui avaient hâté l’exécution de son projet.

Un juge lui fit quelques questions au sujet de monsieur