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ravin dont l’épaulement l’avait protégé, force lui fut de gravir de nouveau le talus, et par conséquent de reparaître. En ce moment, dix ou douze coups de fusil partirent ensemble, et il sembla aux chasseurs d’hommes qu’ils le voyaient chanceler. En effet, après avoir fait quelques pas encore, Laïza s’arrêta, chancela de nouveau, tomba sur un genou, puis sur deux, posa à terre Georges, toujours évanoui ; puis, se relevant tout debout, il se retourna vert les Anglais, étendit les deux mains vers eux avec un geste de dernière menace et de suprême malédiction, et, tirant son couteau de sa ceinture, il se l’enfonça jusqu’au manche dans la poitrine.

Les soldats s’élancèrent en poussant de grands cris de joie, comme font les chasseurs à l’hallali. Quelques secondes encore Laïza resta debout, puis tout à coup il tomba comme un arbre qui se déracine ; la lame du couteau lui avait traversé le cœur.

En arrivant aux deux fugitifs, les soldats trouvèrent Laïza mort et Georges expirant : par un dernier effort, Georges, pour ne pas tomber vivant aux mains de ses ennemis, avait arraché l’appareil de sa blessure, et le sang en coulait à flots.

Quant à Laïza, outre le coup de couteau qu’il s’était donné dans le cœur, il avait reçu une balle qui lui traversait la cuisse, et une autre qui lui perçait de part en part la poitrine.


XXVII

LA RÉPÉTITION.


Tout ce qui se passa pendant les deux ou trois jours qui suivirent la catastrophe que nous venons de raconter ne laissa qu’un souvenir bien vague dans l’esprit de Georges ; son esprit, égaré par le délire, n’avait plus que de vagues perceptions qui ne lui permettaient ni de calculer le temps, ni d’enchaîner les événements les uns aux autres. Un matin seule-