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donc le gibier humain, qu’ils chassaient, sinon par enthousiasme, du moins par crainte.

De temps en temps, lorsqu’à travers les arbres on découvrait Laïza, quelques coups de fusil éclataient, et l’on voyait les balles effleurer les écorces autour de lui, ou sillonner la terre sous ses pas ; mais comme par enchantement aucune de ces balles ne l’atteignaient, et sa course s’accélérait, si l’on peut le dire, en raison du danger auquel il venait d’échapper.

Enfin, on arriva sur le bord d’une clairière : une pente rapide et presque découverte, garnie à son sommet d’un nouveau fourré d’arbres, se présentait à gravir ; arrivé au sommet de cette pente, Laïza du moins pouvait disparaître derrière quelque roche, se laisser glisser dans quelque ravin, et se soustraire ainsi à la vue de ceux qui le poursuivaient ; mais aussi pendant tout l’intervalle qui séparait les arbres, Laïza restait découvert et exposé au feu.

Il n’y avait cependant pas à balancer : se jeter à droite ou se jeter à gauche, c’était perdre du terrain, le hasard avait jusque-là servi les fugitifs, le même bonheur pouvait les accompagner encore.

Laïza s’élança dans la clairière ; de leur côté, ceux qui le poursuivaient, comprenant la chance qui leur était donnée de tirer à découvert, redoublaient de vitesse. Ils arrivèrent à la lisière. Laïza était à cent cinquante pas d’eux à peu près.

Alors, comme si l’ordre eût été donné, chacun s’arrêta, mit en joue et fit feu. Laïza parut n’être point touché, et continua sa course. Les soldats avaient encore le temps de recharger leurs armes avant qu’il ne disparût ; ils glissèrent en hâte une cartouche dans le canon de leur fusil.

Pendant ce temps, Laïza gagnait énormément de terrain ; il était évident que s’il échappait à la seconde décharge comme il avait échappé à la première, et qu’il atteignît le bois sain et sauf, toutes les chances étaient pour lui. Vingt-cinq pas à peine le séparaient de la lisière du bois, et pendant cette halte d’un instant, il en avait gagné cent cinquante sur ses adversaires. Tout à coup il disparut dans un pli du terrain ; mais malheureusement la sinuosité ne se prolongeait ni à droite ni à gauche, il la suivit cependant tant qu’il put, pour dérouter ses ennemis ; mais arrivé à l’extrémité du petit