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des nègres qui restaient, il s’élança du côté de la montagne des Créoles.

— Mon père, s’écria Georges, où allez-vous ? que faites-vous ? pourquoi ne venez-vous pas mourir avec votre fils ? Mon père, attendez moi, me voilà !

Mais Pierre Munier était déjà loin, et ces derniers mots surtout furent dits d’une voix si faible que le vieillard ne put les entendre.

Laïza courut au blessé ; il le trouva sur ses genoux.

— Mon père ! murmura Georges, et il retomba évanoui.

Laïza ne perdit pas de temps ; cet évanouissement était presque un bonheur. Sans doute Georges, jouissant de sa raison, n’eût pas voulu disputer plus longtemps sa vie à ceux qui le poursuivaient ; il eût regardé cette fuite isolée comme honteuse. Mais sa faiblesse le mettait à la merci de Laïza. Laïza le coucha, toujours évanoui, sur son brancard ; chacun des nègres qu’il avait gardés près de lui saisit un des portants, et lui-même marchant devant pour leur montrer le chemin, il se dirigea vers le quartier des Trois-Îlots, d’où il comptait, en suivant le cours de la Grande-Rivière, gagner le piton de Bambou.

Ils n’avaient pas fait un quart de lieue qu’ils entendirent les aboiements du chien.

Laïza fit un geste, les porteurs s’arrêtèrent. Georges était toujours évanoui, ou du moins si faible qu’il ne paraissait faire aucune attention à ce qui se passait.

Ce que Laïza avait prévu arrivait : les Anglais avaient escaladé l’enceinte, et ils comptaient se servir du chien pour rejoindre les fuyards une seconde fois comme ils l’avaient déjà fait une première.

Il y eut un moment d’angoisse pendant lequel Laïza écouta les aboiements du chien ; pendant quelques minutes ces aboiements restèrent stationnaires. Le chien était parvenu à l’endroit où l’on avait combattu, puis deux ou trois fois les aboiements se rapprochèrent. Le chien allait des retranchements à la cabane, où Georges blessé était demeuré quelque temps, et où son père était venu le visiter ; enfin les aboiements s’éloignèrent vers le sud, c’était la direction qu’avait