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instant la brèche fut encombrée de morts, et qu’on fut obligé d’enlever les cadavres pour faire place à un nouvel assaut.

Cette fois, les Anglais pénétrèrent jusqu’au milieu de la caverne, mais ce ne fut que pour laisser un plus grand nombre de morts encore qu’à la première fois ; à l’abri derrière le retranchement qu’avait fait élever Georges, les nègres, dirigés par Laïza et Pierre Munier, tiraient à coup sûr.

Pendant ce temps, Georges, retenu par sa blessure, couché dans sa cabane, maudissait l’inactivité à laquelle il était réduit ; cette odeur de poudre qui l’enveloppait, ce bruit de la mousqueterie qui pétillait à son oreille, tout, jusqu’à cette charge incessante que battaient les Anglais, lui donnaient cette ardente fièvre du combat qui fait que l’homme joue sa vie sur un caprice du hasard. Mais ici c’était bien pis, car ce n’était pas une cause étrangère qui se débattait, ce n’était pas le bon plaisir d’un roi qu’il s’agissait de soutenir ou l’honneur d’une nation qu’il fallait venger : non, c’était sa propre cause que ces hommes défendaient, et lui, lui Georges, l’homme au cœur hardi, l’homme à l’esprit entreprenant, ne pouvait rien, ni en action, ni même en conseil ; Georges mordait le matelas sur lequel il était couché, Georges pleurait de rage.

À la seconde attaque, et quand les Anglais pénétrèrent jusqu’au milieu de la caverne, ils firent, du point où ils étaient arrivés, quelques décharges sur les retranchements ; or, comme la cabane où Georges était couché se trouvait directement placée derrière eux, deux ou trois balles traversèrent en sifflant les parois de feuillage. Ce bruit qui eût effrayé tout autre, consola et enorgueillit Georges ; lui aussi courait donc un danger, et, s’il ne pouvait pas rendre la mort, il pouvait du moins mourir.

Les Anglais avaient momentanément cessé l’attaque, mais il était évident qu’ils préparaient un nouvel assaut, et l’on entendait, aux coups sourds et retentissants de la pioche, qu’ils n’avaient point abandonné leur projet. En effet, au bout d’un instant, une partie des parois extérieures de la caverne s’écroula et l’ouverture se trouva agrandie du double ; aussitôt le tambour retentit de nouveau, et, à la lueur de la lune, on vit briller une troisième fois les baïonnettes à l’entrée de la caverne.