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— Je ne te reconnais pas le droit de m’interroger, tu n’es pas mon juge, s’écria Antonio.

— Alors, ce n’est pas toi que j’interrogerai, reprit Laïza ; — puis, se tournant vers les nègres qui étaient couchés autour de lui sur la terre : — Levez-vous, vous autres, dit-il, et répondez.

Les nègres obéirent, et l’on vit surgir dix ou douze figures noires qui se rangèrent silencieusement en demi-cercle devant l’arbre où était garrotté Antonio.

— Ce sont des esclaves, s’écria Antonio, et je ne dois pas être jugé par des esclaves ; — je ne suis pas un nègre, moi, je suis libre, moi ; — c’est à un tribunal à me juger si j’ai commis un crime, et non à vous.

— Assez, — dit Laïza, — nous allons te juger d’abord, et ensuite tu en appelleras à qui tu voudras.

Antonio se tut : et, pendant le moment de silence qui suivit l’injonction que Laïza venait de lui faire, un entendit les aboiements du chien qui se rapprochaient.

— Puisque le coupable ne veut pas répondre, dit Laïza aux nègres qui entouraient Antonio, c’est à vous de répondre pour lui.

— Qui est-ce qui a dénoncé la conspiration au gouverneur, parce qu’un autre que lui en avait été nommé le chef ?

— Antonio le Malaï, répondirent tous les nègres d’une voix sourde, mais d’une seule voix.

— Ce n’est pas vrai ! s’écria Antonio. Ce n’est pas vrai : je le jure, je le proteste !

— Silence, dit Laïza du même ton impératif. Puis il reprit :

— Qui est-ce qui, après avoir dénoncé la conspiration au gouverneur, a tiré sur notre chef, au bas de la petite montagne, le coup de fusil qui l’a blessé ?

— Antonio le Malaï, répondirent tous les nègres.

— Qui m’a vu ? s’écria le Malaï. Qui ose dire que c’était moi ; qui peut dans la nuit reconnaître un homme d’un autre homme ?

— Silence, dit Laïza ; puis, reprenant avec le même accent calme son interrogatoire : — Enfin, dit-il, après avoir dénoncé la conspiration au gouverneur, après avoir tenté d’assassiner notre chef, qui est-ce qui venait encore, la nuit, ramper