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Tout en cherchant, on trouva un ajoupa[1], et sous cet ajoupa les restes d’un feu fumant encore : il était évident que des nègres marrons rôdaient dans les environs, et, à en juger par la fraîcheur des traces qu’ils avaient laissées, ne devaient même pas être fort loin.

Laïza se mit sur leur piste. On connaît l’habileté des sauvages pour suivre à travers les grandes solitudes la trace d’un ami ou d’un ennemi : Laïza, courbé sur la terre, retrouva chaque brin d’herbe plié sous le talon, chaque caillou sorti de son alvéole par le choc du pied, chaque branche détournée de son inclinaison par la pression du passant ; mais enfin il arriva de son côté à un emplacement où toute trace manquait. D’un côté était un ruisseau qui descendait de la montagne et allait se jeter dans la rivière des Créoles ; de l’autre, un amas de rochers, de pierres et de broussailles pareil à un mur, au sommet duquel la forêt paraissait plus pressée encore que partout ailleurs, et derrière Laïza le chemin qu’il venait de suivre.

Laïza traversa le ruisseau et chercha vainement de l’autre côté la trace qui l’avait conduit jusqu’à sa rive. Les nègres, car ils étaient plusieurs, n’avaient donc pas été plus loin.

Laïza essaya de gravir la muraille, et il y parvint ; mais arrivé au sommet, il reconnut l’impossibilité de faire suivre à une troupe, parmi laquelle se trouvaient plusieurs blessés, un pareil chemin. Il redescendit donc, et, convaincu que ceux à la recherche desquels il s’était mis ne pouvaient être loin, il poussa les différents cris auxquels les nègres marrons ont l’habitude de se reconnaître entre eux, et attendit.

Au bout d’un instant, il lui sembla, au plus épais des broussailles qui recouvraient les pierres formant la muraille que nous avons décrite, reconnaître un léger frémissement ; tout autre qu’un homme habitué aux mystères de la solitude eût certes pris cette vacillation de quelques branches pour un caprice du vent ; mais alors le mouvement eût eu lieu de leur extrémité à leur base, tandis qu’au contraire le mouve-

  1. Espèce de hangar bâti par les chasseurs.