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que devait faire le reste de la troupe arrivant par les rues adjacentes au camp Malabar ; malheureusement cette diversion, comme nous l’avons vu, lui avait manqué par les causes que nous avons dites.

Georges s’élança d’un seul bond au milieu des combattants, appelant à grands cris : Laïza ! Laïza ! Il avait donc trouvé un nègre digne d’être un homme ; il avait donc rencontré une nature égale à la sienne.

Les deux chefs se joignirent au milieu du feu ; et là, sans chercher un abri contre la fusillade, insouciants aux balles qui sifflaient autour d’eux, ils échangèrent quelques-unes de ces paroles courtes et pressées comme en demandent les situations suprêmes.

En un instant, Laïza fut au courant de tout ; il secoua la tête et se contenta de dire :

— Tout est perdu !

Georges voulut lui rendre quelques espérances, lui conseilla d’essayer quelques efforts sur les buveurs ; mais Laïza laissant échapper un sourire de profond dédain :

— Ils boivent, dit-il ; à moins que l’eau-de-vie ne leur manque, il n’y a rien à espérer.

Or, les tonneaux avaient été défoncés en assez grande quantité pour que l’eau-de-vie ne leur manquât pas.

Toute lutte devenait inutile sur le point où elle s’était engagée, puisque Georges, que Laïza venait délivrer, était libre ; on n’avait donc qu’à regretter la perte d’une douzaine d’hommes déjà mis hors de combat, et qu’à donner le signal de la retraite.

Mais la retraite était devenue impossible par la rue du Gouvernement ; tandis que la troupe de Laïza faisait face au bataillon anglais qui s’était opposé à son entreprise, un autre détachement, embusqué dans la poudrière, en sortait, tambour battant, et venait fermer le chemin par lequel Laïza et ses hommes étaient arrivés. Il fallut donc se jeter dans les rues qui environnent le Palais-de-Justice, et regagner par là les environs de la Petite-Montagne et le camp Malabare.

À peine Georges, Laïza et leurs hommes eurent-ils fait deux cents pas, qu’ils se trouvèrent dans les rues illuminées