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tout avait disparu, ce n’était qu’une vision. — Et Georges se retrouvait juste à la même place où son orgueil trompeur l’avait pris.

Il serrait son barreau de fer entre ses mains ; il se sentait pris d’une envie féroce de se jeter au milieu de tous ces misérables et de briser ces crânes abrutis, qui n’avaient pas eu la force de résister à la grossière tentation dont il était la victime.

Des groupes de curieux qui, sans doute, ne comprenaient rien à cette fête improvisée que le gouverneur donnait aux esclaves, regardaient toute cela bouche et yeux béants. — Chacun demandait à son voisin ce que cela voulait dire, sans que son voisin, aussi ignorant que lui, pût ni lui répondre, ni lui donner la moindre explication.

Georges courut de groupe en groupe, plongeant ses regards jusqu’au fond de ces longues rues, illuminées et pleines de nègres ivres, poussant des rumeurs insensées. — Il cherchait au milieu de toute cette foule d’êtres immondes, un homme, un seul homme, sur lequel il comptait encore au milieu de la dégradation générale. Cet homme, c’était Laïza !

Tout à coup Georges entendit une grande rumeur qui venait du côté de la Police ; puis, une fusillade assez vive s’engagea, d’un côté, avec la régularité que la troupe de ligne a l’habitude de mettre dans cet exercice, de l’autre, avec le capricieux pétillement qui accompagne le feu des troupes irrégulières.

Enfin, il y avait donc un endroit où l’on se battait.

Georges s’élança de ce côté ; en cinq minutes il trouva dans la rue du Gouvernement. Il ne s’était pas trompé. Cette petite troupe qui se battait était conduite par Laïza, par Laïza, qui, ayant su que Georges était prisonnier, avait, à la tête de quatre cents hommes d’élite, fait le tour de la ville, et avait marché sur la Police pour le délivrer.

Sans doute ce mouvement avait été prévu, car aussitôt qu’on vit paraître la petite troupe de révoltés à une extrémité de la rue, un bataillon anglais s’était mis en mouvement et avait marché contre elle.

Laïza s’était bien douté qu’on ne lui laisserait pas enlever Georges sans combat, mais il avait compté sur la diversion