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posant visiblement un grand effort sur lui-même, et monsieur le gouverneur vient de vous faire part de mes sentiments. Si vous avez quelque rancune de certain événement arrivé lors de la prise de Port-Louis, oubliez-la, comme mon fils oubliera, je vous le promets en son nom, l’injure bien autrement grave que vous lui avez faite récemment. Quant à votre union avec ma nièce, monsieur le gouverneur vous l’a dit, j’y donne mon consentement, et à moins qu’aujourd’hui ce ne soit vous qui refusiez…

— Oh ! Georges, s’écria Sara emportée par un premier mouvement.

— Ne vous hâtez pas de me juger sur ma réponse, Sara, répondit le jeune homme ; car ma réponse m’est, croyez-le bien, imposée par d’impérieuses nécessités. Sara, devant Dieu et devant les hommes, Sara, depuis la soirée du pavillon, depuis la nuit du bal, depuis le jour où je vous ai vue pour la première fois, Sara, vous êtes ma femme ; aucune autre que vous ne portera un nom que vous n’avez pas dédaigné, malgré son abaissement ; tout ce que je vais dire est donc une question de forme et de temps.

Georges se retourna vers le gouverneur.

— Merci, milord, continua-t-il, merci, je reconnais dans ce qui se passe aujourd’hui l’appui de votre généreuse philanthropie et de votre bienveillante amitié ; mais du jour où monsieur de Malmédie m’a refusé sa nièce, où monsieur Henri m’a insulté pour la seconde fois, et où j’ai cru devoir me venger de ce refus et de cette insulte par une injure publique, ineffaçable, infamante, j’ai rompu avec les blancs ; il n’y a plus de rapprochement possible entre nous. Monsieur de Malmédie peut faire, dans une combinaison, dans un calcul, dans une intention que je ne comprends pas, moitié du chemin, mais je ne ferai pas l’autre. Si mademoiselle Sara m’aime, mademoiselle Sara est libre, maîtresse de sa main, maîtresse de sa fortune, c’est à elle de se grandir encore à mes propres yeux en descendant jusqu’à moi, et non à moi de m’abaisser aux siens en essayant de monter jusqu’à elle.

— Oh ! monsieur Georges, s’écria Sara, vous savez bien…

— Oui, je sais, dit Georges, que vous êtes une noble jeune fille, un cœur dévoué, une âme pure. Je sais que vous vien-