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la Magicienne, puis de moments en moments elle devient plus épaisse ; alors, par les écoutilles, on voit poindre des hommes blessés qui se traînent, qui lèvent leurs bras mutilés, qui appellent au secours, car déjà la flamme succède à la fumée, et darde par toutes les ouvertures du bâtiment ses langues ardentes ; puis elle s’élance aux dehors, rampe le long des bastingages, monte aux mâts, enveloppe les vergues, et au milieu de cette flamme on entend des cris de rage et d’agonie ; puis enfin tout à coup le vaisseau s’ouvre comme le cratère d’un volcan qui se déchire. Une détonation effroyable se fait entendre. La Magicienne vole en morceaux. On suit quelque temps ses débris enflammés qui montent dans les airs, redescendent et viennent s’éteindre en frissonnant dans les flots. De cette belle frégate qui, la veille encore, se croyait la reine de l’Océan, il ne reste plus rien, pas même des débris, pas même des blessés, pas même des morts. Un grand intervalle demeuré vide entre la Néréide et l’Iphigénie, indique seul la place où elle était.

Puis, comme fatigués de la lutte, comme épouvantés du spectacle, Anglais et Français firent silence, et le reste de la nuit fut consacré au repos.

Mais, au point du jour, le combat recommence. C’est le Syrius, à son tour, que la division française a choisi pour victime. C’est le Syrius, que le quadruple feu du Victor, de la Minerve, de la Bellone et du Ceylan va écraser. C’est sur lui que se réunissent boulets et mitrailles. Au bout de deux heures, il n’a plus un seul mât ; sa muraille est rasée ; l’eau entre dans sa carène par vingt blessures : s’il n’était échoué, il coulerait à fond. Alors son équipage l’abandonne à son tour ; le capitaine le quitte le dernier. Mais comme à bord de la Magicienne le feu est demeuré à bord, une mèche le conduit à la Sainte-Barbe, et à onze heures du matin, une détonation effroyable se fait entendre, — et le Syrius disparaît anéanti !

Alors l’Iphigénie, qui a combattu sur ses ancres, comprend qu’il n’y a plus de lutte possible. Elle reste seule contre quatre bâtiments ; car, ainsi que nous l’avons dit, la Néréide n’est plus qu’une masse inanimée ; elle déploie ses voiles et, profitant de ce qu’elle a échappé presque saine et sauve à