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XIX.

LE YAMSÉ.


Les courses, comme nous l’avons dit, n’étaient qu’un épisode des fêtes du second jour ; aussi, les courses finies, et vers les trois heures de l’après-midi, toute la population bariolée qui couvrait la petite montagne s’achemina vers la plaine Verte, tandis que les élégants et les élégantes qui avaient assisté au sport, tant en voiture qu’à cheval, rentraient dîner chez eux, pour en ressortir aussitôt après le repas, et aller assister aux exercices des Lascars.

Ces exercices consistent en une gymnastique symbolique se composant de courses, de danses et de luttes, accompagnées de chants discords et de musique barbare auxquels se mêlent, dans la foule, les clameurs des nègres industriels qui trafiquent pour leur compte ou pour celui de leur maître, et qui vont criant : les uns, Bananes, bananes ! les autres : Cannes, cannes ! ceux-ci : Caillé, caillé ! bon lait caillé ! ceux-là : Kalou, kalou, bon kalou !

Ces exercices durent jusqu’à six heures du soir, à peu près ; puis, à six heures du soir, la petite procession, ainsi appelée pour la distinguer de la grande procession du lendemain, commence.

Alors, entre deux haies de spectateurs, les Lascars s’avancent, les uns à moitié cachés sous des espèces de petites pagodes pointues, faites comme le grand gouhn, et qu’ils appellent aïdorés ; les autres, armés de bâtons et de sabres émoussés ; d’autres, enfin, à moitié nus, sous des vêtements déchirés. Puis, à un certain signe, tous s’élancent : ceux qui portent les aïdorés se mettent à tourner sur eux-mêmes en dansant ; ceux qui portent les sabres et les bâtons commencent à combattre en voltigeant les uns autour des autres, portant et parant les coups avec une adresse merveilleuse ; enfin les derniers se frappent la poitrine et se roulent à terre