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— Même en ce qui regardera… Georges s’interrompit en regardant Laïza.

— Même en ce qui regardera la rose de la rivière Noire, dit le nègre continuant la pensée du jeune homme.

— Mais d’où te vient ce dévouement pour moi ?

— Le cerf d’Anjouan allait mourir sous les coups de ses bourreaux et tu as racheté sa vie. Le lion d’Anjouan était dans les chaînes et tu lui as rendu la liberté. Le lion est non-seulement le plus fort, mais encore le plus généreux des animaux ; et c’est parce qu’il est fort et généreux, continua le nègre en croisant les bras et en relevant orgueilleusement la tête, qu’on a appelé Laïza le lion d’Anjouan.

— C’est bien, dit Georges en tendant la main au nègre. Je demande un jour pour me décider.

— Et quelle chose amènera votre acceptation ou votre refus ?

— J’ai insulté aujourd’hui grièvement, publiquement, mortellement, monsieur de Malmédie.

— Je le sais, j’étais là, dit le nègre.

— Si monsieur de Malmédie se bat avec moi, je n’ai rien à dire.

— Et s’il refuse de se battre ?… demanda en souriant Laïza.

— Alors je suis à vous, car comme on le sait brave, comme il a déjà eu avec les blancs deux duels, dans l’un desquels il a tué son adversaire, il aura ajouté une troisième insulte aux deux insultes qu’il m’a déjà faites, et alors la mesure sera comblée.

— Alors, tu es notre chef, dit Laïza ; le blanc ne se battra pas avec le mulâtre.

Georges fronça le sourcil, car il avait déjà eu cette idée. Mais aussi, comment le blanc garderait-il le stigmate de honte que le mulâtre lui a imprimé sur le visage ?

En ce moment Télémaque entra, les mains sur son oreille, dont Bijou, comme nous l’avons dit, avait enlevé une partie.

— Maître, dit-il, le capitaine hollandais voudrait à parler à li.

— Le capitaine Van den Broëk ? demanda Georges.

— Oui.