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— Alors l’idée vient de toi ?

— Oui.

— Et qui te l’a inspirée ?

— Vous-même.

— Comment ! moi-même ?

— Vous ne pouvez arriver à ce que vous désirez que par nous.

— Et qui t’a dit que je désirais quelque chose ?

— Vous désirez épouser la rose de la rivière Noire, et vous haïssez monsieur Henri de Malmédie ! vous désirez posséder l’une, vous voulez vous venger de l’autre ! Nous seuls pouvons vous en offrir les moyens ; car on ne consentira pas à vous donner l’une pour femme, et l’on ne permettra pas à l’autre de devenir votre adversaire.

— Et qui t’a dit que j’aimais Sara ?

— Je l’ai vu.

— Tu te trompes !

Laïza secoua tristement la tête.

— Les yeux de la tête se trompent quelquefois, dit-il, ceux du cœur, jamais.

— Serais-tu mon rival ? demanda Georges avec un sourire dédaigneux.

— Il n’y a de rival que celui qui a l’espoir d’être aimé, répondit le nègre en soupirant, et la rose de la rivière Noire n’aimera jamais le lion d’Anjouan.

— Alors tu n’es pas jaloux.

— Vous lui avez sauvé la vie, et sa vie vous appartient, c’est trop juste ; moi, je n’ai pas même eu le bonheur de mourir pour elle, et cependant, ajouta le nègre en regardant Georges fixement, croyez-vous que j’aie fait ce qu’il fallait pour cela ?

— Oui, oui, murmura Georges, oui, tu es brave ; mais les autres, puis-je compter sur eux ?

— Je ne puis répondre que de moi, dit Laïza, et j’en réponds ; donc tout ce que l’on peut faire avec un homme courageux, fidèle et dévoué, tu le feras avec moi.

— Tu m’obéiras le premier ?

— En toutes choses.