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un coup de fusil, jeter l’ancre à vingt pas de la poupe de la Néreide ; puis, de là, il commence son feu, auquel elle ne peut répondre que par ses pièces de chasse, l’enfilant de bout en bout à chaque bordée. Au point du jour, la frégate se tait de nouveau. Cette fois elle est bien morte, et cependant le pavillon anglais flotte toujours à sa corne. Elle est morte, mais elle n’a pas amené.

En ce moment les cris de vive l’empereur retentissent sur la Néréide ; les dix-sept prisonniers français qu’elle a faits dans l’île de la Passe, et qu’elle a enfermés à fond de cale, brisent la porte de leur prison, et s’élancent par les écoutilles, un drapeau tricolore à la main. L’étendard de la Grande-Bretagne est abattu, la bannière tricolore flotte à sa place. Le lieutenant Roussin donne l’ordre d’aborder ; mais au moment où il va engager les grappins, l’ennemi dirige son feu sur la Néréide qui lui échappe. C’est une lutte inutile à soutenir ; la Néréide n’est plus qu’un ponton, sur lequel on mettra la main aussitôt que les autres bâtiments seront réduits ; le Victor laisse flotter la frégate comme le cadavre d’une baleine morte ; il embarque les dix-sept prisonniers, va reprendre son rang de bataille, et annonce aux Anglais en faisant feu de toute sa batterie qu’il est revenu à son poste.

L’ordre avait été donné à tous les bâtiments français de diriger leur feu sur la Magicienne, le capitaine Bouvet voulait écraser les frégates ennemies l’une après l’autre ; vers trois heures de l’après-midi, la Magicienne était donc devenue le but de tous les coups ; à cinq heures, elle ne répondait plus à notre feu que par secousses et ne respirant que comme respire un ennemi blessé à mort ; à six heures on s’aperçoit de terre que son équipage fait tous ses préparatifs pour l’évacuer : des cris d’abord, et des signaux ensuite en avertissent la division française ; le feu redouble ; les deux autres frégates ennemies lui envoient leurs chaloupes, elle-même met ses canots à la mer ; ce qui reste d’hommes sans blessures ou blessés légèrement y descend, mais dans l’intervalle qu’elles ont à franchir pour gagner le Syrius, deux chaloupes sont coulées bas par les boulets, et la mer se couvre d’hommes qui gagnent en nageant les deux frégates voisines.

Un instant après, une légère fumée sort par les sabords de