Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Antonio s’élança joyeux, et aux cris d’encouragement de tous ceux qui avaient intérêt à ce qu’il gagnât, certain cette fois de la victoire. Mais sa joie ne fut pas longue et son désappointement fut cruel. Au moment de saisir l’animal par le membre désigné sur le programme, il chercha vainement. Le malheureux cochon n’avait plus de queue. La queue était restée aux mains de Miko-Miko qui se relevait triomphant, montrant son trophée, et en appelant à l’impartialité du public.

Le cas était nouveau. On en appela à la conscience des juges, qui délibérèrent un instant et déclarèrent à la majorité de trois voix contre deux « qu’attendu que Miko-Miko eût incontestablement arrêté l’animal, si l’animal n’eût préféré se séparer de sa queue, Miko-Miko devait être considéré comme vainqueur. »

En conséquence, le nom de Miko-Miko fut proclamé et l’autorisation lui fut donnée de s’emparer du prix qui lui appartenait. Ce à quoi le Chinois, qui avait compris par signe, répondit en saisissant sa propriété par les pattes de derrière, et en faisant marcher le cochon devant lui comme on pousse une brouette.

Quant à Antonio, il se retira en grommelant dans la foule, qui lui fit, avec cet instinct de justice qui la caractérise, l’accueil honorable que la foule fait toujours aux grandes infortunes.

Il y eut alors parmi les spectateurs, comme cela arrive toujours à la fin d’un spectacle quelconque qui a tenu les assistants attentifs, une grande rumeur et un grand mouvement ; mais l’une et l’autre se calmèrent bientôt à cette annonce que la course aux sacs allait commencer, et chacun reprit sa place, trop content du premier spectacle qui venait d’avoir lieu pour risquer de rien perdre du second.

La distance a parcourir par les concurrents était depuis le mille Dreaper jusqu’à la tribune du gouverneur, c’est-à-dire à peu près cent cinquante pas. Au signal donné, les coureurs, au nombre de cinquante, sortirent en sautillant d’une case élevée pour leur servir de retraite, et vinrent se ranger sur une seule ligne.

Que l’on ne s’étonne pas du nombre considérable de con-