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Quant au prix de la grande course, c’était une coupe en vermeil du plus beau caractère, et infiniment moins précieuse encore par la matière que par le travail.

Nous avons dit que, dès le point du jour, les terrains abandonnés au public étaient couverts de spectateurs, mais ce ne fut que vers les dix heures du matin que la société commença à arriver. Comme à Londres, comme à Paris, comme partout où il y a des courses enfin, des tribunes avaient été réservées pour la société ; mais soit caprice, soit pour ne pas être confondues les unes avec les autres, les plus jolies femmes de Port-Louis avaient décidé qu’elles assisteraient aux courses dans leurs calèches, et à part celles qui étaient invitées à prendre place à côté du gouverneur, toutes vinrent se ranger en face du but ou sur les points les plus rapprochés de lui, laissant les autres tribunes à la bourgeoisie, ou au négoce secondaire ; quant aux jeunes gens, ils étaient pour la plupart à cheval, et s’apprêtaient à suivre les coureurs dans le cercle intérieur, tandis que les amateurs, les membres du jockey-club de l’Île de France se tenaient sur le turf, engageant les paris avec le laisser-aller et la prodigalité créoles.

À dix heures et demie, tout le Port-Louis était au Champ-de-Mars. Parmi les plus jolies femmes, et dans les calèches les plus élégantes, on remarquait mademoiselle Couder, mademoiselle Cypris de Gersigny, alors une des plus jeunes filles, aujourd’hui encore une des plus belles femmes de l’Île de France, et dont la magnifique chevelure noire est devenue proverbiale même dans les salons parisiens ; enfin les six demoiselles Druhn, si blondes, si blanches, si fraîches, si gracieuses, qu’on n’appelait leur voiture, où d’ordinaire elles sortaient toutes ensemble, que la corbeille de roses.

Au reste, de son côté, la tribune du gouverneur aurait pu mériter ce jour-là aussi le nom qu’on donnait tous les jours à la voiture des demoiselles Druhn. Quiconque n’a pas voyagé dans les colonies, et surtout quiconque n’a pas visité l’Île de France ne peut pas se faire une idée du charme et de la grâce de toutes ces physionomies créoles, aux yeux de velours et aux cheveux de jais, au milieu desquelles s’épanouissaient, comme des fleurs du Nord, quelques pâles filles