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en tambourins, flûtes et guimbardes, s’acheminèrent vers le Port-Louis, afin d’y faire ce qu’on appelle la quête ; les deux chefs marchaient à côté l’un de l’autre, vêtus selon le parti qu’ils représentaient, l’un d’une, robe verte, l’autre d’une robe blanche, et portant à la main chacun un sabre nu à l’extrémité duquel était piquée une orange. Derrière eux s’avançaient deux mollahs, tenant à deux mains chacun une assiette pleine de sucre et recouverte de feuilles de rose de la Chine, puis à la suite des mollahs venait en assez bon ordre la phalange indienne.

Dès les premières maisons de la ville, la quête commença, car sans doute par esprit d’égalité, les quêteurs ne méprisent pas les plus petites cases dont l’offrande, comme celle des plus riches maisons, est destinée à couvrir une partie des frais énormes que toute cette pauvre population a faits pour rendre la cérémonie aussi solennelle que possible. Au reste, il faut le dire, la façon de demander des quêteurs se ressent de l’orgueil oriental, et loin d’être basse et servile, présente quelque chose de noble et de touchant. Après que les chefs, devant lesquels toutes les portes s’ouvrent, ont salué les maîtres de la maison en abaissant devant eux la pointe de leurs sabres, le mollah s’avance et offre aux assistants du sucre et des feuilles de rose. Pendant ce temps, d’autres Indiens, désignés par les chefs, reçoivent dans des assiettes les dons qu’on veut bien leur faire, puis tout le monde se retire en disant : Salam. Ils semblent ainsi non pas recevoir une aumône, mais inviter les personnes étrangères à leur culte, à une communion symbolique, en partageant avec eux en frères les frais de leur culte et les dons de leur religion.

Dans les temps ordinaires, la quête s’étend non seulement, comme nous l’avons dit à toutes les maisons de la ville, mais encore aux bâtiments qui sont dans le port et qui rentrent dans les attributions des Lascars de mer. Seulement, cette fois, sur le dernier point surtout, la quête fut fort restreinte, la plupart des bâtiments ayant tant souffert de l’ouragan, que leurs capitaines avaient plus besoin de secours qu’ils n’étaient disposés à en donner.

Cependant, au moment même où les quêteurs étaient sur le port, un bâtiment signalé dès le matin apparut entre la re-