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Malmédie ; une réponse ! vous avez l’audace d’espérer que je vous en ferai une autre que celle que vous méritez ?

— Je ne vous dicte pas la réponse que vous devez me faire, monsieur ; seulement quelle qu’elle soit, je vous prie de m’en faire une.

— J’espère que vous ne vous attendez pas à autre chose qu’à un refus ? s’écria Henri.

— C’est monsieur votre père que j’interroge, et non pas vous, monsieur, répondit Georges ; laissez votre père me répondre, et nous causerons ensuite de nos affaires.

— Eh bien ! monsieur, dit monsieur de Malmédie, vous comprenez que je refuse positivement.

— Très bien, monsieur, répondit Georges ; je m’attendais à cette réponse, mais la démarche que je viens de faire près de vous était dans les convenances, et je l’ai faite.

Et Georges salua monsieur de Malmédie avec la même politesse et la même aisance que si rien ne s’était passé entre eux ; puis, se retournant vers Henri :

— Maintenant, monsieur, lui dit-il ; à nous deux, s’il vous plaît. Voilà la seconde fois, rappelez-vous-le bien, que vous levez, à quatorze ans de distance, la main sur moi : la première fois avec un sabre. Il releva ses cheveux avec la main, et montra du doigt la cicatrice qui sillonnait son front ; la seconde fois avec cette baguette, et il montra du doigt la baguette que tenait Henri.

— Eh bien ! dit Henri.

— Eh bien ! dit Georges, je vous demande raison pour ces deux insultes. Vous êtes brave, je le sais, et j’espère que vous répondrez en homme à l’appel que je fais à votre courage.

— Je suis aise, monsieur, que vous connaissiez ma bravoure, quoique votre opinion là-dessus me soit assez indifférente, répondit Henri en ricanant : elle me met à mon aise dans la réponse que j’ai à vous faire.

— Et quelle est cette réponse, monsieur ? demanda Georges.

— Cette réponse est que votre seconde demande est pour le moins aussi exagérée que la première. Je ne me bats pas avec un mulâtre.

Georges devint affreusement pâle, et cependant un sourire d’une indéfinissable expression erra sur ses lèvres.