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ble. Tout ce qui restait de la récolte, et heureusement la récolte était à peu près faite, avait été arraché de terre ; dans plusieurs endroits, des arpents entiers de forêt présentaient l’aspect de blés couchés par la grêle. Presque aucun arbre isolé n’avait pu résister à l’ouragan, et les tamariniers eux-mêmes, ces arbres flexibles par excellence, avaient été brisés, chose qui jusque-là avait été regardée comme impossible.

La maison de monsieur de Malmédie, une des plus élevées du Port-Louis, avait eu beaucoup à souffrir. Il y avait même eu un moment où les secousses avaient été si violentes, que monsieur de Malmédie et son fils avaient résolu d’aller chercher un refuge dans le pavillon qui, bâti tout en pierre, n’ayant qu’un étage et abrité par la terrasse, donnait évidemment moins de prise au vent. Henri avait donc couru chez sa cousine, mais ayant trouvé la chambre vide, il avait pensé que, comme lui et son père, Sara, effrayée par l’orage, avait eu l’idée de chercher un refuge dans le pavillon. Ils y descendirent donc et l’y trouvèrent effectivement. Sa présence y était tout naturellement motivée, et sa terreur n’avait pas besoin d’excuse. Il en résulta donc que ni le père ni le fils ne soupçonnèrent un seul instant la cause qui avait fait sortir Sara de sa chambre, et l’attribuèrent à un sentiment de crainte dont eux-mêmes n’avaient pas été exempts.

Vers le jour, comme nous l’avons dit, la tempête se calma. Mais, quoique personne n’eût dormi de la nuit, on n’osa se livrer encore au repos, et chacun s’occupa de vérifier la portion de pertes personnelles qu’il avait à supporter. De son côté, le nouveau gouverneur parcourut dès le matin toutes les rues de la ville, mettant la garnison à la disposition des habitants. Il en résulta que dès le soir même, une partie des traces de la catastrophe avait déjà disparu.

Puis, il faut le dire, chacun, de son côté, mettait un grand empressement à rendre au Port-Louis l’aspect qu’il avait la veille. On approchait de la fête du Yamsé, une des plus grandes solennités de l’Île de France ; or, comme cette fête, dont le nom est probablement inconnu en Europe, se rattache d’une manière intime aux événements de cette histoire, nous demandons à nos lecteurs la permission de dire sur elle quelques mots préparatoires qui nous sont indispensables.