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Peu importait à Sara comment la clef lui venait, pourvu que la clef lui vînt ; elle la prit donc des mains de Bijou, qui se retira pour aller fermer promptement tous les volets de la maison menacés par l’ouragan. Sara, restée seule, s’empressa d’ouvrir le coffre.

Le coffre, comme on le sait, ne contenait qu’un papier qui n’était pas même cacheté, mais seulement plié en quatre.

Georges avait tout prévu, tout calculé.

Il fallait que Sara fût seule au moment où elle trouverait sa lettre ; il fallait que la lettre fût ouverte, pour que Sara ne pût pas la renvoyer en disant qu’elle ne l’avait pas lue.

Aussi Sara, se voyant seule, hésita-t-elle un instant ; mais devinant d’où lui venait ce billet, emportée par la curiosité, par l’amour, par ces mille sentiments enfin qui bouillonnent dans le cœur des jeunes filles, elle ne put résister au désir de voir ce que lui écrivait Georges, et, toute émue et toute rougissante, elle prit le billet, le déplia, et lut ce qui suit :

« Sara,

« Je n’ai pas besoin de vous dire que je vous aime, vous le savez ; le rêve de toute mon existence a été une compagne comme vous. Or, il y a dans le monde de ces positions exceptionnelles et dans la vie de ces moments suprêmes, où toutes les convenances de la société tombent devant la terrible nécessité.

« Sara, m’aimez-vous ?

« Pesez ce que sera votre vie avec monsieur de Malmédie, pesez ce que sera votre vie avec moi.

« Avec lui, la considération de tous.

« Avec moi, la honte d’un préjugé.

« Seulement je vous aime, je vous le répète, plus qu’aucun homme au monde ne vous a aimée et vous aimera jamais.

« Je sais que monsieur de Malmédie hâte le moment où il doit devenir votre mari ; il n’y a donc pas de temps à perdre ; vous êtes libre, Sara ; mettez la main sur votre cœur et prononcez entre monsieur Henri et moi.

« Votre réponse me sera aussi sacrée que me le serait un ordre