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qu’il était en lui l’effet du projectile qu’il venait d’adresser à son ennemi.

L’effet fut prompt. Le mât de misaine, coupé un peu au-dessus de la grande hune, plia comme un arbre que le vent courbe, puis, avec un craquement effroyable, tomba encombrant le pont de voiles et d’agrès, et brisant une partie de la muraille de tribord.

Un grand cri de joie retentit à bord de la Calypso. La frégate s’était arrêtée au milieu de sa course, trempant dans la mer son aile brisée, tandis que la goélette saine et sauve à quelques cordages près continuait son chemin, débarrassée de la poursuite de son ennemi.

Le premier soin du capitaine, en se voyant hors de danger, fut de nommer Jacques lieutenant à la place de Rébard : il y avait longtemps, au reste, qu’en cas de vacance, ce grade lui était dévolu dans l’esprit de tous ses camarades. L’annonce de sa promotion fut donc accueillie par des acclamations générales.

Le soir, il y eut messe générale pour les morts. On avait jeté les cadavres à la mer à mesure qu’ils passaient de vie à trépas, et l’on n’avait gardé que celui du second, pour lui rendre les honneurs dus à son rang. Ces honneurs consistaient à être cousu dans un hamac avec un boulet de 36 à chaque pied. Le cérémonial fut exactement suivi, et le pauvre Rébard alla rejoindre ses compagnons, n’ayant conservé sur eux que le très médiocre avantage de s’enfoncer au plus profond de la mer, au lieu de flotter à sa surface.

Le soir, le capitaine Bertrand profita de l’obscurité pour faire fausse route, c’est-à-dire que, grâce à une saute de vent, il revint sur ses pas, de sorte qu’il rentrait à Brest, tandis que le Leycester, qui s’était empressé de substituer à son mat cassé un mât de rechange, courait après lui du côté du Cap Vert.

Ce qui fit faire beaucoup de mauvais sang au capitaine Murrey, lequel jura que si jamais la Calypso retombait sous la main du Leycester, elle ne s’en tirerait pas à aussi bon marché la seconde fois qu’elle s’en était tirée la première.

Aussitôt ses avaries réparées, le capitaine Bertrand s’était remis en chasse, et, secondé par Jacques, il avait fait merveille : malheureusement Waterloo arriva ; après Waterloo