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objets qui pouvaient tenter la jeune fille, recommandant à Miko-Miko de ne laisser voir cette carte qu’à Sara.

Puis il donna au marchand un second quadruple, lui recommandant d’être, le lendemain vers les trois heures de l’après-midi, à Moka.

Miko-Miko promit de se trouver au rendez-vous et s’engagea à apporter dans sa tête un plan aussi exact de la maison que celui qu’aurait pu tracer un ingénieur.

Après quoi, attendu qu’il était huit heures, et qu’à neuf heures Georges devait, comme nous l’avons dit, se trouver avec son père à la Pointe-aux-Caves, il remonta à cheval et reprit le chemin de la Petite-Rivière, le cœur plus léger, tant il faut peu de chose en amour pour changer la couleur de l’horizon.

Il était nuit close quand Georges arriva au rendez-vous. Son père, selon l’habitude qu’il avait prise avec les blancs d’être toujours en avance, s’y trouvait depuis dix minutes. À neuf heures et demie la lune se leva.

C’était le moment qu’attendaient Georges et son père. Leurs yeux se portèrent aussitôt entre l’île Bourbon et l’île de Sable, et là, par trois fois, ils virent étinceler un éclair. C’était, comme de coutume, un miroir qui réfléchissait les rayons de la lune. À ce signal bien connu des colons, Télémaque, qui avait accompagné ses maîtres, alluma sur le rivage un feu qu’il éteignit cinq minutes après, puis l’on attendit.

Une demi-heure ne s’était pas écoulée, qu’on vit poindre sur la mer une ligne noire, pareille à quelque poisson qui nagerait à la surface de l’eau, puis cette ligne grandit et prit l’apparence d’une pirogue. Bientôt après on reconnut une grande chaloupe et l’on commença à voir, au tremblement des rayons de la lune dans la mer, l’action des rames qui battaient l’eau, quoiqu’on n’entendît pas encore leur bruit. Enfin, cette chaloupe entra dans l’anse de la Petite-Rivière et vint aborder dans la crique qui se trouve en avant du petit Fortin.

Georges et son père s’avancèrent sur le rivage. De son côté, l’homme que de loin on avait pu voir assis à la poupe, avait déjà mis pied à terre.

Derrière lui descendirent une douzaine de matelots armés de mousquets et de haches. C’étaient les mêmes qui avaient