Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un rêve, et que si ce rêve se réalise jamais, je serai le plus heureux des hommes.

Puis, sans attendre la réponse de Sara, Georges s’inclina respectueusement devant elle, et voyant s’approcher monsieur de Malmédie et son fils, laissa Sara avec son oncle et son cousin.

Cinq minutes après, lord Murrey revint annoncer à Sara que la voiture était prête, et lui offrit le bras pour traverser le salon. Arrivée à la porte, la jeune fille jeta un dernier regard de regret sur le bal où elle s’était promis tant de plaisir, et disparut.

Mais ce regard avait rencontré celui de Georges, qui semblait devoir désormais la poursuivre partout.

En revenant de conduire mademoiselle de Malmédie à sa voiture, le gouverneur rencontra dans l’antichambre Georges, qui s’apprêtait à quitter le bal à son tour.

— Et vous aussi ? dit lord Murrey.

— Oui, milord, vous n’ignorez pas que je demeure pour le moment à Moka, et que j’ai par conséquent près de huit lieues à faire ; heureusement qu’avec Antrim c’est l’affaire d’une heure.

— Vous n’avez rien eu de particulier avec monsieur Henri de Malmédie ? demanda le gouverneur avec l’expression de l’intérêt.

— Non, milord, pas encore, répondit Georges en souriant ; mais, selon toute probabilité, cela ne tardera point.

— Ou je me trompe fort, mon jeune ami, dit le gouverneur, ou les causes de votre inimitié avec cette famille datent de longtemps.

— Oui, milord, ce sont de petites taquineries d’enfant qui se sont faites de belles et bonnes haines d’hommes ; des coups d’épingle qui deviendront des coups d’épée.

— Et il n’y a pas moyen d’arranger tout cela ? demanda le gouverneur.

— Je l’ai espéré un instant, milord ; j’ai cru que quatorze ans de domination anglaise avaient tué le préjugé que je revenais combattre ; je me trompais : il ne reste plus à l’athlète qu’à se frotter d’huile et à descendre dans le cirque.