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ment de la matinée ; mais dans ces toasts, il ne fut question ni du nègre inconnu ni du chasseur étranger, tout l’honneur du miracle fut rapporté à la Providence, qui voulait conserver à monsieur de Malmédie et à Henri une nièce et une fiancée si tendrement chérie.

Mais si, dans l’intervalle des toasts, personne ne souffla le mot sur Laïza et sur Georges, dont nul, au reste, ne connaissait les noms, chacun, en revanche, parla longuement de ses prouesses personnelles, et Sara, avec une ironie charmante, distribua à chacun la part d’éloges qui lui était due pour son adresse et pour son courage.

Comme on se levait de table, le commandeur entra ; il venait annoncer à monsieur de Malmédie qu’un nègre qui avait essayé de fuir avait été rattrapé, et venait d’être ramené au camp. Comme c’était une de ces choses qui arrivent tous les jours, monsieur de Malmédie se contenta de répondre :

— C’est bon, qu’on lui donne la correction ordinaire.

— Qu’est-ce donc, mon oncle ? demanda Sara.

— Rien, mon enfant, dit monsieur de Malmédie.

Et l’on reprit la conversation interrompue.

Dix minutes après, on annonça que les chevaux étaient prêts. Comme le dîner et le bal de lord Murrey étaient pour le lendemain, chacun était désireux d’avoir toute la journée pour se préparer à cette solennité ; il avait donc été convenu que l’on reviendrait au Port-Louis aussitôt après le dîner.

Sara passa dans la chambre de mamie Henriette : la pauvre gouvernante, sans être sérieusement malade, était encore tellement agitée, que Sara exigea qu’elle restât à la rivière Noire ; Sara, d’ailleurs, gagnait quelque chose à ce séjour prolongé. Au lieu de revenir en palanquin, elle revenait à cheval.

Comme la cavalcade sortait, Sara vit trois ou quatre nègres occupés à dépecer le requin ; la mulâtresse leur avait indiqué où ils trouveraient le corps de l’animal, et ils étaient allés le pêcher pour en faire de l’huile.

En approchant des Trois-Mamelles, les chasseurs virent de loin tous les nègres rassemblés. Arrivés au lieu du rassemblement, ils reconnurent qu’il était causé par l’attente d’une exécution, l’habitude étant, dans les occasions pareilles, de réunir tous les noirs de l’habitation, et de les forcer