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Quant à Sara, elle déclara que, dans une circonstance si inattendue et si solennelle, elle avait trop de préparatifs à faire pour partir avec ces messieurs, le samedi matin, et qu’elle se contenterait de les rejoindre le samedi soir ou le dimanche dans la matinée.

Le reste de la journée et toute celle du lendemain se passa donc, comme l’avait prévu Sara, dans les préparatifs de cette importante soirée, et grâce au calme qu’apporta mamie Henriette dans tous ses arrangements, le dimanche matin, Sara put partir comme elle l’avait promis à son père. L’important était fait, la robe était essayée, et la couturière, femme éprouvée, répondait que le lendemain matin Sara la trouverait faite ; s’il y manquait quelque chose, une partie de la journée restait pour les corrections.

Sara partait donc dans des dispositions aussi joyeuses que possible : après le bal, ce qu’elle aimait le mieux au monde, c’était la campagne ; en effet, la campagne lui offrait cette liberté de paresse ou ce caprice de mouvement que ce cœur aux désirs extrêmes ne trouvait jamais entièrement dans la ville ; aussi, à la campagne, Sara cessait-elle de reconnaître aucune autorité, même celle de mamie Henriette, la personne qui, au bout du compte, en avait le plus sur elle. Si son esprit était à la paresse, elle choisissait un beau site, se couchait sous une touffe de jamboses ou de pamplemousses, et là, elle vivait de la vie des fleurs, buvant la rosée, l’air et le soleil par tous les pores, écoutant chanter les figuiers bleus et les fondi-jala, s’amusant à regarder les singes sauter d’une branche à l’autre ou se suspendre par la queue, suivant des yeux dans leurs mouvements gracieux et rapides ces jolis lézards verts tachetés et rayés de rouge, si communs à l’Île de France qu’à chaque pas on en fait fuir trois ou quatre ; et là, elle restait des heures entières, se mettant pour ainsi dire en communication avec toute la nature, dont elle écoutait les mille bruits, dont elle étudiait les mille aspects, dont elle comparait les mille harmonies. Son esprit, au contraire, était-il au mouvement, alors ce n’était plus une jeune fille ; c’était une gazelle, c’était un oiseau, c’était un papillon ; elle franchissait les torrents, à la poursuite des libellules aux têtes étincelantes comme des rubis ; elle se penchait sur les précipices pour y cueillir des songes, aux larges