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avec moi, interrompit la gouvernante ; pourquoi commencer aujourd’hui ?

Les joues de la jeune fille se couvrirent d’une vive rougeur ; puis, après un moment d’hésitation :

— Vous avez raison, chère bonne, lui dit-elle ; je pensais à tout autre chose.

— Et à quoi pensiez-vous ?

— Je me demandais quel pouvait être ce jeune homme qui est passé là si à propos pour nous tirer d’embarras. Je ne l’ai jamais aperçu avant aujourd’hui, et sans doute il est arrivé avec le vaisseau qui a amené le gouverneur. Est-ce donc un mal que de penser à ce jeune homme ?

— Non, mon enfant, ce n’est point un mal d’y penser ; mais c’était un mensonge de me dire que vous pensiez à autre chose.

— J’ai eu tort, dit la jeune fille, pardonne-moi.

Et elle avança sa charmante tête vers sa gouvernante, qui de son côté se pencha vers elle et l’embrassa au front.

Toutes deux demeurèrent en silence pendant un instant ; mais comme mamie Henriette, en Anglaise sévère qu’elle était, ne voulait pas laisser l’imagination de son élève s’arrêter trop longtemps sur le souvenir d’un jeune homme, et que Sara, de son côté, éprouvait un certain embarras à se taire, toutes deux ouvrirent la bouche en même temps pour entamer un autre sujet de conversation. Mais leurs premières paroles se choquèrent en quelque sorte, et chacune s’étant arrêtée pour laisser parler l’autre, il résulta de ce conflit de mots trop pressés un autre moment de silence. Cette fois, ce fut Sara qui le rompit :

— Que vouliez-vous dire, mamie Henriette ? demanda la jeune fille.

— Mais, vous-même, Sara, vous disiez quelque chose. Que disiez-vous ?

— Je disais que je voudrais bien savoir si notre nouveau gouverneur est un jeune homme.

— Et dans ce cas vous en seriez fort aise, n’est-ce pas, Sara ?

— Sans doute. Si c’est un jeune homme, il donnera des dîners, des fêtes, des bals, et cela animera un peu notre mal-