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de Coromandel, et qu’ils appellent Patna. Enfin, comme c’est l’habitude dans les pays chauds, les chaises et les fauteuils étaient en cannes, et deux fenêtres qui s’ouvraient en face l’une de l’autre, l’une sur une cour toute plantée d’arbres, l’autre sur un vaste chantier, laissaient, à travers les nattes de bambou qui leur servaient de persiennes, passer la brise de la mer et le parfum des fleurs.

À peine la jeune fille était-elle étendue sur le canapé, qu’une petite perruche verte à tête grise, grosse comme un moineau, s’envola de son bâton, et, se posant sur son épaule, s’amusa à becqueter le bout de l’éventail, que sa maîtresse, par un mouvement machinal, s’amusait de son côté à ouvrir et à fermer.

Nous disons par un mouvement machinal, parce qu’il était visible que ce n’était déjà plus à son éventail, tout charmant qu’il fût, et quelque désir qu’elle eût manifesté de l’avoir, que pensait en ce moment la jeune fille. En effet, ses yeux, en apparence fixés sur un point de l’appartement où aucun objet remarquable ne motivait cette fixité, avaient évidemment cessé de voir les objets présents pour suivre quelque rêve de sa pensée. Il y a plus, sans doute ce rêve avait pour elle toutes les apparences de la réalité, car de temps en temps un léger sourire passait sur son visage, et ses lèvres s’agitaient, répondant par un muet langage à quelque muet souvenir. Cette préoccupation était trop en dehors des habitudes de la jeune fille, pour qu’elle ne fût pas bientôt remarquée de sa gouvernante ; aussi, après avoir suivi pendant quelques instants en silence le jeu de physionomie de la jeune fille :

— Qu’avez-vous donc, ma chère Sara, demanda mamie Henriette.

— Moi ! rien, répondit la jeune fille en tressaillant comme une personne qu’on éveille en sursaut. Je joue, comme vous voyez, avec ma perruche et mon éventail, voilà tout.

— Oui, je le vois bien, vous jouez avec votre perruche et votre éventail ; mais, à coup sûr, au moment où je vous ai tirée de votre rêverie, vous ne pensiez ni à l’une ni à l’autre.

— Oh ! mamie Henriette, je vous jure…

— Vous n’avez pas l’habitude de mentir, Sara, et surtout