Page:Dumas - Gabriel Lambert, Meline, 1844.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
GABRIEL LAMBERT.

« Alors mon père lui demandait ce qu’il faisait là, et le pauvre Gabriel lui répondait en pleurant qu’il avait peur d’être battu.

« Aussitôt mon père m’appelait et me donnait pour escorte au pauvre fugitif, qui, sous ma protection, revenait chez lui sain et sauf ; car, devant moi, la fille du maître d’école, nul n’osait le toucher.

« Il en résulta que Gabriel parut me prendre dans une grande affection et que nous contractâmes l’habitude d’être ensemble : seulement, de sa part, cette affection était de l’égoïsme, et de la mienne, de la pitié.

« Gabriel apprenait difficilement à lire et à calculer, mais pour l’écriture il avait une très-grande facilité ; non-seulement il possédait en propre une écriture magnifique, mais encore il avait la singulière aptitude d’imiter les écritures de tous ses camarades, et cela à tel point que l’imitation rapprochée de l’original rendait l’auteur même indécis.

« Les enfants riaient et s’amusaient de ce singulier talent ; mais mon père secouait tristement la tête et disait souvent :

« — Crois-moi, Gabriel, ne fais pas de ces choses-là… cela tournera mal.