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MÉMOIRES D’UN MÉDECIN.

Ce château royal, commencé par François Ier, dont il garde les salamandres, et achevé par Henri II, dont il porte le chiffre enlacé à celui de Catherine de Médicis et encerclé par les trois croissants de Diane de Poitiers, après avoir abrité les amours du roi chevalier avec madame d’Étampes, et celles de Louis-Philippe d’Orléans avec la belle madame de Montesson, était à peu près inhabité depuis la mort de ce dernier prince, son fils Philippe d’Orléans, nommé depuis Égalité, l’ayant fait descendre du rang de résidence princière à celui de simple rendez-vous de chasse.

On sait que le château et la forêt de Villers-Cotterets faisaient partie des apanages donnés par Louis XIV à son frère. Monsieur, lorsque le second fils d’Anne d’Autriche épousa la sœur du roi Charles II, madame Henriette d’Angleterre.

Quant aux deux mille quatre cents habitants, dont nous avons promis à nos lecteurs de leur dire un mot, c’étaient, comme dans toutes les localités où se trouvent réunis deux mille quatre cents individus, une RÉUNION :

1o De quelques nobles qui passaient leur été dans les châteaux environnants et leur hiver à Paris, et qui, pour singer le prince, n’avaient qu’un pied à terre à la ville.

2o De bon nombre de bourgeois qu’on voyait, quelque temps qu’il fît, sortir de leur maison un parapluie à la main pour aller faire après dîner leur promenade quotidienne, promenade régulièrement bornée à un large fossé séparant le parc de la forêt, situé à un quart de lieue de la ville, et que l’on appelait, sans doute à cause de l’exclamation que sa vue tirait des poitrines asthmatiques, satisfaites d’avoir, sans être trop essoufflées, parcouru un si long chemin, le Hala !

3o D’une majorité d’artisans travaillant toute la semaine et ne se permettant que le dimanche la promenade dont leurs compatriotes, plus favorisés qu’eux par la fortune, jouissaient tous les jours.

4o Et enfin de quelques misérables prolétaires pour lesquels la semaine n’avait pas même de dimanche, et qui, après avoir travaillé six jours à la solde soit des nobles, soit des bourgeois, soit même des artisans, se répandaient le septième dans la futaie pour y glaner le bois mort ou brisé que l’orage, ce moissonneur des forêts pour qui les chênes sont des épis, jetait épars sur le sol sombre et humide des hautes futaies, magnifique apanage du prince.

Si Villers-Cotterets, Villerii ad Cotiam Retiœ, avait eu le malheur d’être une ville assez importante dans l’histoire pour que les archéologues s’en occupassent et suivissent ses passages successifs du village au bourg et du bourg à la ville, dernier passage qu’on lui conteste, comme nous