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moi je ne me trompe point, vous êtes le secrétaire du conseil. — (Richard semble prêt à nier.) Je désire que vous soyez le secrétaire du conseil.

RICHARD.

Je le suis, milord.

(Il appuie sur ce mot.)
L’INCONNU.

Très-bien, vous m’avez compris… Monsieur le secrétaire, voulez-vous vous asseoir à cette table ?

RICHARD, toujours en souriant.

J’attends les ordres de milord.

L’INCONNU., lui donnant des papiers.

Parmi ces papiers en voici qui exigent un prompt examen… Voulez-vous bien m’en donner connaissance ?

RICHARD, lisant.

« Titres de propriété du comté de Carlston et de ses dépendances dans le Devonshire, concédés à tout jamais à… » Le nom est en blanc.

L’INCONNU.

C’est une omission… Voulez-vous écrire sous ma dictée ?

RICHARD.

Mais…

L’INCONNU., continuant.

Richard Darlington.

RICHARD.

Je ne puis écrire…

L’INCONNU.

Comment, monsieur le secrétaire, vous refusez d’écrire un nom que je ne prononce qu’avec le respect dû au talent ?

RICHARD.

Cette touchante bonté…

L’INCONNU.

Vous écrivez, n’est-ce pas ?… Ayez la complaisance de continuer.

RICHARD, lisant un autre papier.

« Lettres de noblesse conférant à perpétuité le titre de comte à… »

L’INCONNU.

Les mêmes noms, je vous prie.

RICHARD, écrit en souriant.

Vous êtes obéi.

L’INCONNU.

Après, de grâce.

RICHARD, lisant.

« Contrat de mariage entre miss Lucy Wilmor, fille de feu lord Wilmor, pair du royaume, petite-fille du marquis Da Sylva, et le noble comte de Carlston… »

L’INCONNU.

Nous connaissons les parties contractantes, mais les conditions, je vous prie.

RICHARD, lisant.

« La jeune miss apporte à son mari cent mille livres sterling en biens-fonds et en actions de banque.

» Le marquis Da Sylva, par substitution de sa fille Caroline Wilmor, reconnaît sa petite-fille pour sa seule et unique héritière.

» Le titre de pair, éteint à la mort de lord Wilmor, revit pour l’époux de sa fille et ses descendants mâles à perpétuité. »

L’INCONNU.

Tout cela est parfait… Ne trouvez-vous pas que le nom de Georges scellé d’un don royal ferait bien sur ce contrat ?

RICHARD.

Tant de faveurs sur un seul homme, en si peu d’heures !

L’INCONNU.

Ah ! vous êtes envieux !… puisque vous résistez si bien à l’entraînement, vous devez être un homme de bon conseil… Le ministère perd de sa popularité, n’est-ce pas ? le roi reculerait à le recomposer avec l’élément démocratique. Il parlait dernièrement de choisir le président du conseil parmi les jeunes pairs ; croyez-vous au succès d’une semblable combinaison ?

RICHARD.

Un dévouement sans bornes…

L’INCONNU.

Il reste un dernier papier.

RICHARD.

Blanc.

L’INCONNU.

Vous ne comprenez pas ?

RICHARD, après un moment d’hésitation.

Si fait ! — (Il signe.) À vous ce papier, milord ; à moi ceux-ci.

L’INCONNU.

Je veux dire au roi que nous avons fait connaissance.


Scène XXI.

RICHARD, seul.

Ah ! c’est un rêve !… une folie !… une apparition !… mais… mais ces papiers ? Ah ! non, non, tout cela est réel. Oh ! je ne puis respirer la tête me tourne… Richard ! Richard ! dans tes songes les plus brillants avais-tu jamais osé prévoir… ?