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RICHARD DARLINGTON.

ROBERTSON, l’embrassant.

Vous êtes notre sauveur, notre père ! Oh ! laissez-moi pleurer.

(Il sanglote.)
LE DOCTEUR.

Mais allez donc embrasser votre femme, votre fils !

ROBERTSON.

Oh ! je sois fou ! conduisez-moi, je n’y vois plus, docteur.

LE DOCTEUR, le poussant dans la chambre.

Par ici, aller, allez. — (On frappe à la porte de la rue ; le docteur s’arrête.) Qu’est-ce cela ? (On frappe encore.) Que voulez-vous ?

DA SYLVA, de la rue.

Au nom du roi, ouvrez, ouvrez, ou nous mettons la porte en dedans.

LE DOCTEUR.

Qui êtes-vous ?

UNE AUTRE VOIX.

Le constable. Vous devez reconnaître ma voix, docteur ; ouvrez pour vous épargner une mauvaise affaire.

DA SYLVA.

Monsieur le constable, pas tant de façons, enfonçons cette porte.

LE DOCTEUR, ouvrant.

Arrêtez, sirs !…


Scène V.

LE CONSTABLE, DA SYLVA, LE DOCTEUR, deux hommes de justice.
DA SYLVA, entrant précipitamment.

Le docteur Grey ?

LE DOCTEUR.

C’est moi, monsieur.

DA SYLVA.

Vous me répondrez d’eux, car ils sont chez vous.

LE DOCTEUR.

Holà ! ne me touchez point, vous êtes chez moi, monsieur ; ne me forcez pas de vous en faire souvenir.

DA SYLVA.

Répondez donc alors !

LE DOCTEUR.

Prouvez-moi d’abord que vous avez le droit de m’interroger.

DA SYLVA.

Ces messieurs sont porteurs d’un mandat.

LE DOCTEUR.

Eh bien ! je répondrai à ces messieurs s’ils m’en justifient, et non à vous qu’à votre accent je ne reconnais même pas pour Anglais.

DA SYLVA.

Soit ; mais prenez-y garde, nous savons qu’ils sont ici ; nous les suivions de plus près qu’ils ne croyaient ; ils ont relayé à la dernière poste, on ne les a point vus à celle-ci, et en passant j’ai cru reconnaître, j’ai reconnu la voiture devant votre porte : ainsi, songez-y bien, il serait inutile et peut-être dangereux de mentir.

LE DOCTEUR.

Je ne mens jamais, monsieur.

DA SYLVA, se jetant sur une chaise.

Monsieur le constable, faites votre devoir.

LE CONSTABLE.

Docteur Grey, vous avez reçu chez vous, ce soir, un homme masqué ?

LE DOCTEUR.

Oui, monsieur.

LE CONSTABLE.

Il était accompagné d’une jeune dame ?

LE DOCTEUR.

C’est vrai.

DA SYLVA, se levant.

Où sont-ils ? — (Le docteur se tait.) Où sont-ils ? vous dis-je.

LE DOCTEUR, froidement.

Monsieur le constable, j’attends que vous m’interrogiez.

LE CONSTABLE.

Je ne puis que répéter la question de monsieur : où sont-ils ?

LE DOCTEUR.

Ici cesse pour moi l’obligation de répondre jusqu’à ce que je sache de quel droit vous me faites cette question.

DA SYLVA.

De quel droit ! cette jeune femme, c’est ma fille ; cet homme masqué, son séducteur.

LE DOCTEUR.

Votre mandat ?

LE CONSTABLE.

Le voici, lisez.

LE DOCTEUR.

« Ordre d’arrêter, partout où on la retrouvera, une jeune fille dont le signalement suit. » Son nom n’y est pas.

DA SYLVA.

Lisez.

LE DOCTEUR.

« Le porteur du mandat désignera lui-même la personne contre laquelle il devra être mis à exécution. » Vous êtes puissant, monsieur, pour obtenir un tel ordre contre une femme, dans un pays libre.