Non, ma tante, ne les empêchez pas.
Mais, malheureuse, s’ils allaient se battre !
Chez le notaire ?
Comment ?
Ils vont le chercher pour mon contrat de mariage.
Ils ne se querellaient donc pas en sortant ?
Ils se tutoyaient.
Vraiment ?
Et je suis bien contente ! Léon…
M’a bien l’air d’un fou, ma chère enfant.
Du tout, ma tante. Il m’adore… je vous assure qu’il a toute sa raison.
Je veux dire qu’il me fait l’effet d’un homme bien léger.
Je ne sais ; mais il m’a juré qu’il n’aimait que moi, qu’il n’avait jamais aimé que moi. Est-ce de la légèreté cela, ma tante ?
Et où t’a-t-il fait ce serment ?
Ici, à mes genoux.
Pauvre enfant !
Plaît-il, ma tante ?
Peut-être devrais-je lui dire qu’il y a une heure, ici, à mes genoux, à moi… Oh ! non, pourquoi l’affliger d’une folie ?
À quoi pensez-vous, ma tante ?
À ce que tu viens de me dire. Et tu as engagé ta main ?
Ma main ? c’est vous qui en disposerez, et je l’ai dis à mon oncle et à Léon.
Si bien que Léon…
Va venir vous la demander.
D’accord avec mon mari ?
Très-d’accord ; c’est mon oncle qui l’y excite.
Et M. de Vertpré n’est pas plus mort pour Léon que pour toi ?
Très-vivant pour tous deux.
Je voudrais bien de l’encre et une plume.
Voulez-vous que je sonne ?
Non. Va me les chercher dans ma chambre.
Vous allez lui écrire ?
Ne t’inquiète pas. (Pauline sort.) Ah ! messieurs, il paraît que c’est une ligue, et que vous vous entendez à merveille ! Mon mari, je conçois qu’il presse ce mariage ; mais Léon, qui tantôt… il a besoin d’une leçon, ce jeune homme, elle ne lui manquera pas ; et s’il désire véritablement épouser Pauline… Et mon mari que j’oublie !… c’est injuste ! il mérite aussi une punition pour sa jalousie : il l’aura.
Tenez, ma tante, voici. Qu’allez-vous faire ?
Écoute, Pauline, c’est une chose sérieuse qu’un lien qui nous prend toute notre vie pour la donner à un autre, qu’un lien que la mort seule peut rompre une fois que les hommes l’ont formé.
Oh ! oui, c’est un bonheur céleste !
Ou un malheur éternel.
Comment ?
Eh bien, Pauline, il ne faudrait pas livrer ainsi au hasard toutes les espérances de ton âge. On entre dans la vie par les années riantes et heureuses, ne les abrège pas, chère enfant.
Vous m’effrayez. Refusez-vous de consentir à mon mariage ?
Non, non ; mais auparavant, je veux tenter une épreuve.
Sur Léon ?