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m. de vertpré.

Madame, m’arrêter plus longtemps serait me faire croire que vous craignez cette entrevue encore plus pour vous que pour moi, et ce n’est pas votre intention, n’est-ce pas ?

madame de vertpré.

Oh ! non, certes.

m. de vertpré, gaiement.

Alors, au revoir, cher ange.

(Il sort.)



Scène XII.


madame de vertpré, seule.

Que va-t-il faire ? Il ne faut qu’un mot ironique de l’un pour blesser l’autre. Si je pouvais voir Léon, je lui dirais de se contenir par amitié pour moi ; qu’à cette condition je lui pardonnerais sa folle conduite… Comment pouvais-je penser que ces mille riens qui formaient nos relations encourageraient son amour ?… mais c’est que je ne m’en doutais pas le moins du monde, de son amour ! Mon Dieu, que faire ?… (Elle remonte en scène en disant :) Ah ! voilà Léon dans le jardin, les yeux fixés sur cette fenêtre… et mon mari de ce côté qui le cherche : Léon m’a vue ! le voilà qui me fait des signes ; quelle présomption ! Mais c’est qu’il faut que je l’appelle avec tout cela ! Il n’a pas l’air de douter… (Elle fait signe de la tête.) Oui, oui… il vient, le fat ! et mon mari qui l’a aperçu et qui accourt par l’autre allée !… Ils vont prendre chacun l’escalier opposé ; ils se rencontreront ici… et moi au milieu d’eux… mais c’est impossible ! j’en deviendrai folle. Voilà Léon qui monte en fredonnant… J’entends les pas de Paul… quelle ridicule position !… Les voici, ma foi ! je me sauve.

(Elle sort.)



Scène XIII.


LÉON, M. DE VERTPRÉ.
(Ils entrent chacun par l’une des portes du fond.)
m. de vertpré, s’essuyant le front.

J’arrive à temps.

léon.

Encore ce monsieur ! ah çà, mais il y met de l’acharnement.

m. de vertpré, essoufflé.

Monsieur !

léon, essoufflé.

Monsieur !

m. de vertpré.

C’est vous qui couriez dans l’allée à gauche ?

léon.

Et vous dans l’allée à droite ?

m. de vertpré.

Moi-même.

léon.

Je vous en fais mon compliment : vous avez d’excellentes jambes.

m. de vertpré.

Mais il me semble que les vôtres ne vous refusent pas du tout le service.

léon.

Dites-moi, sans indiscrétion, est-ce que vos affaires vous retiendront longtemps ici ?

m. de vertpré.

Et vous, monsieur ?

léon.

Oh ! moi, j’y demeure presque.

m. de vertpré.

Et moi, je vais y demeurer tout à fait.

léon.

Chez madame de Vertpré ?

m. de vertpré.

Chez madame de Vertpré. Vous permettez. (Il tire une robe de chambre du sac de nuit.) Je suis tout en nage, et…

léon.

Que diable faites-vous donc ?

m. de vertpré.

Je prends possession.

léon.

De cette chambre ?

m. de vertpré.

Certainement.

léon.

Mais elle touche à celle de madame de Vertpré.

m. de vertpré.

Raison de plus.

léon.

Et vous allez vous y mettre en robe de chambre ?

m. de vertpré.

Je vous y ai bien trouvé en chemise.

léon.

Monsieur, je ne souffrirai pas…

m. de vertpré.

Alors, vous êtes plus susceptible que moi ; car, moi, j’ai souffert.

léon.

Raillez-vous quelquefois, monsieur ?

m. de vertpré.

Pour n’en pas perdre l’habitude.