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m. de vertpré.

Après l’entrevue.

madame de vertpré.

Incrédule.

hélène, annonçant.

M. Léon !

madame de vertpré.

Vite dans ce cabinet, et écoutez de toutes vos oreilles.

m. de vertpré.

Je n’en perdrai pas un mot, je t’en réponds.

madame de vertpré.

C’est bien : vous allez voir qui il aime. (M. de Vertpré entre dans le cabinet à gauche.) Faites entrer et laissez-nous.



Scène X.


MADAME DE VERTPRÉ, LÉON, M. DE VERTPRÉ, caché dans le cabinet.
léon.

Combien je vous rends grâce, madame, de m’avoir fait appeler aussitôt que vous avez été débarrassée de notre fâcheux.

madame de vertpré.

Comment, monsieur !

léon.

Il vous a bien ennuyée, n’est-ce pas ? je m’en doutais. Il n’a pas l’air amusant du tout.

madame de vertpré.

Mais, monsieur, vous ne connaissez pas la personne…

léon.

Et je ne me sens aucune envie de faire sa connaissance.

madame de vertpré.

Brisons là-dessus, s’il vous plaît ; je vous ai prié de venir pour vous parler d’autre chose.

léon.

Je vous écoute, madame.

madame de vertpré.

Depuis deux mois, monsieur, vous venez ici tous les jours.

léon.

Et ce n’est pas encore assez souvent, madame.

madame de vertpré.

Vous avez dû vous apercevoir que vous étiez reçu avec plaisir ?

léon.

Je l’ai espéré quelquefois, madame.

madame de vertpré.

Le titre auquel vous vous présentiez m’en faisait un devoir ; mais ne vous semble-t-il pas à vous-même que le temps est aujourd’hui venu de parler plus formellement de vos projets ?

léon.

Oh ! madame, je tremble.

madame de vertpré.

Vous ! jeune, possédant un état distingué, d’une famille honorable et riche, vous ne pouvez pas craindre un refus ?

léon.

Oh ! madame, dites-vous ce que vous pensez ?

madame de vertpré.

Il y a plus, c’est que je crois dire ce que pense Pauline.

léon.

Il ne s’agit malheureusement pas de Pauline, madame.

madame de vertpré.

Comment, monsieur !

léon.

Quand je suis venu chez vous et que vous avez bien voulu m’y recevoir, je connaissais mademoiselle Pauline et je ne vous connaissais pas ; je ne croyais pas qu’il pût exister une femme qui l’emportât sur elle en grâces, en esprit, en beauté. Je vous ai vue, madame, j’ai eu le bonheur de passer deux mois près de vous, et j’ai été détrompé.

madame de vertpré.

Oh ! que me dites-vous ?

léon.

C’est vous qui m’y forcez, madame ; mais le premier je n’aurais osé vous parier de mon amour… non, je l’aurais enfermé dans mon cœur, et si vous ne l’aviez pas lu dans mes yeux, deviné dans le tremblement de ma voix, je vous l’aurais laissé ignorer ; mais je me serais du moins enivré du plaisir de vous voir, du bonheur de vous entendre : j’aurais…

(M. de Vertpré entrouvre la porte pour mieux entendre, et la referme presque aussitôt de crainte d’être aperçu. Ce jeu se répète durant toute la scène.)
madame de vertpré.

Taisez-vous, monsieur, taisez-vous.

léon.

Maintenant il est trop tard : cet aveu serait une offense, sans ce que j’ai à vous dire encore. Vous parliez de mon état, de ma famille, de ma fortune ; vous les regardiez comme des titres à l’amour d’une femme, eh bien ! nom, état, fortune, partagez tout, madame, je vous le demande à genoux… ah ! vous m’avez dit que je ne devais pas craindre un refus.

madame de vertpré.

Mais moi, monsieur, je ne puis…

léon.

N’êtes-vous pas veuve, n’êtes-vous pas libre ? Oh ! votre main, votre main chérie !