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madame de vertpré.

Une nièce à marier.

m. de vertpré.

Et ce jeune homme ?

madame de vertpré.

Vient ici pour Pauline.

m. de vertpré.

Voulez-vous que je vous dise ?

madame de vertpré.

Dites.

m. de vertpré.

Vous ne vous fâcherez pas ?

madame de vertpré.

Moi, mon ami, ah !

m. de vertpré.

C’est que c’est fort délicat ce que je vais vous dire.

madame de vertpré.

N’importe.

m. de vertpré.

Je n’ai fait qu’apercevoir ce jeune homme, je ne lui ai dit que quatre paroles…

madame de vertpré.

Eh bien ?

m. de vertpré.

Eh bien, je jurerais qu’il ne vient pas ici pour Pauline.

madame de vertpré.

Par exemple !… Et pour qui donc ?

m. de vertpré.

Pour une femme charmante, belle comme un ange, fraîche comme une jeune fille, et spirituelle à elle seule comme tous les avocats du monde, pour madame veuve Adèle de Vertpré, ma femme.

madame de vertpré.

Oh ! mais vous êtes fou, mon pauvre Paul ! vous faites dix-huit cents lieues pour me revoir, dites-vous, et, en arrivant, au lieu de me parler de vous, de votre voyage, des motifs qui vous font continuer de désirer que le bruit de votre mort soit répandu…

m. de vertpré.

Plus tard, chère amie, je te parlerai de tout cela, mais pour le moment, vois-tu, j’ai une idée fixe : M. Léon…

madame de vertpré.

Vient ici pour Pauline.

m. de vertpré.

Je ne demande pas mieux que de le croire, mais…

madame de vertpré.

Tous en voulez la preuve ?

m. de vertpré.

La preuve ne m’en serait pas désagréable… et tout de suite, si cela est possible.

madame de vertpré.

Eh bien ! monsieur, puisque c’est là ce qui vous occupe le plus en me revoyant, je vais vous la donner cette preuve… voyons… que puis-je faire ?… ah ! tenez, cachez-vous là.

(Elle indique la porte de sa chambre.)
m. de vertpré.

Ensuite ?

madame de vertpré.

Je le ferai venir, je lui dirai de s’expliquer sur ses intentions, et vous l’entendrez me répéter l’aveu de son amour pour Pauline et me demander sa main.

m. de vertpré.

Ce sera très-bien.

madame de vertpré.

Je ne l’ai pas vu, je ne le verrai pas ; je vais le faire appeler, et, séance tenante, nous prenons jour pour le contrat de mariage.

m. de vertpré.

Je le signerai avec plaisir.

madame de vertpré, sonnant.

Hélène ! — (Hélène entre.) Prévenez M. Léon que je désire lui parler, et annoncez-le quand il viendra.

(Hélène sort.)
m. de vertpré.

Merveilleusement, chère amie.

madame de vertpré.

Et après cette preuve vous me permettrez sans doute de vous en vouloir tout à mon aise ?

m. de vertpré.

Vous êtes la meilleure des femmes.

madame de vertpré.

Vous êtes un jaloux.

m. de vertpré.

Moi !

madame de vertpré.

Et vous mériteriez que je ne vous donnasse point…

m. de vertpré.

Quoi ?

madame de vertpré, lui montrant le portrait
que lui a apporté Léon.

Voyez !

m. de vertpré, prenant le portrait.

Ton portrait ! ah !

madame de vertpré.

Que j’ai fait faire pour vous, et que j’ai fait mettre exprès dans la même boîte que le vôtre, afin que dans l’absence même nous fussions réunis.

m. de vertpré.

Vous êtes toute charmante, et je serai enchanté d’avoir eu tort dans mes conjectures pour vous demander pardon et vous baiser les pieds.

madame de vertpré.

Alors, à genoux !