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pauline.

Mais qui vous parle encore de ces vers ? Mais je n’y pense n’y pense plus à ces vers. Je… je… oh ! mon Dieu, que je suis malheureuse !

(Elle se jette dans un fauteuil.)
léon.

Je vous en prie, je vous en supplie…

pauline.

Laissez-moi, vous m’impatientez et je vous déteste ; ne suis-je pas même libre de pleurer si je suis triste ? Mais c’est de la tyrannie. — S’élançant dans les bras de madame de Vertpré qui entre. Oh ! ma tante, ma tante !



Scène IV.


PAULINE, MADAME DE VERTPRÉ, LÉON.
madame de vertpré.

Qu’as-tu donc ?

pauline.

Ah ! je suis bien malheureuse !

léon, saluant.

Madame !

madame de vertpré.

Je vous remercie, monsieur Léon, de m’avoir attendue. Qu’est-ce, Pauline ? Encore une querelle, Une bouderie ?

pauline.

Oh ! cette fois, il n’y a pas de ma faute, ma tante ; si vous saviez…

madame de vertpré, à Léon.

Avez-vous pensé à moi ?

léon.

À vous ? toujours.

madame de vertpré.

Quand je dis à moi, c’est à ma commission que je veux dire.

léon.

À votre portrait ? Le voici, madame, délicieux de beauté, éclatant de fraîcheur, et cependant si au-dessous…

madame de vertpré.

Flatteur ! donnez-le-moi.

léon, lui donnant le portrait.

Déjà !

madame de vertpré.

Regarde donc, Pauline ; trouves-tu qu’il me ressemble ?

pauline, sans regarder.

Oui, ma tante.

madame de vertpré.

Dis donc ? Est-ce que tu crois que tu l’as vu ? Tu boudes, Pauline ; viens avec nous, cela te distraira.

pauline.

Merci.

léon.

Vous sortez, madame ?

madame de vertpré.

Oui, voilà pourquoi je vous ai fait prier de m’attendre ; j’ai besoin de votre bras.

pauline, à part.

C’est cela, il ne restera même pas pour que je le gronde. Oh ! je suis bien sacrifiée.

léon.

Et où allons-nous ?

madame de vertpré.

Sur la grande route : j’attends une personne que je n’ai pas revue depuis longtemps, que j’ai grande envie de revoir, et je vais au-devant…

léon.

De lui ou d’elle ?

madame de vertpré, avec intention. De lui.

léon, jalousant.

Ah !… Vous avez remarqué le temps ?

madame de vertpré, remontant la scène et allant vers la fenêtre.

Un peu couvert.

léon.

Noir comme de l’encre.

madame de vertpré.

Vous craignez la pluie, et vous refusez d’être mon chevalier ?

léon.

Moi, madame !

madame de vertpré.

Je réclame de vous un service, et, lorsqu’il s’agit de me le rendre, quelques gouttes d’eau vous font peur.

léon.

Quelques gouttes d’eau me font peur ! mais je traverserais pour vous le détroit de Sestos !… Partons, madame, partons.

madame de vertpré.

Décidément, Pauline, tu ne viens pas ?

pauline.

Décidément, ma tante, je reste.

madame de vertpré.

Eh bien ! écoute : il va me raconter la cause de votre querelle, je le gronderai, et je le ramènerai soumis et

repentant. Adieu, chère enfant. (Elle l’embrasse.)
pauline.

Adieu, ma tante.

léon.

Au revoir, mademoiselle.

pauline.

Au revoir, monsieur.

(Léon et madame de Vertpré sortent.)