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hélène.

Oui, monsieur.

(Elle se dispose à entrer chez madame de Vertpré.)
léon, l’arrêtant par le bout de l’écharpe qu’elle a prise
sur le fauteuil où madame de Vertpré l’a laissée, et s’asseyant.

Écoute, Hélène.

hélène.

Quoi ?

léon.

Madame de Vertpré t’a parlé de moi ? – Écoute donc !

hélène.

À l’instant.

léon, Jouant avec l’écharpe, et la baisant.

Et elle te disait ?…

hélène.

Qu’est-ce que vous faites donc ?

léon.

À qui cette écharpe ?

hélène.

À ma maîtresse.

léon.

Et elle a touché son cou, ses épaules ! Je l’envie et je la baise.

hélène.

Mais, monsieur, ce n’est pas l’écharpe que vous baisez ; ce sont mes mains !

léon, se levant.

C’est que tes mains sont jolies, Hélène.

hélène.

Vous êtes fou.

léon.

Je suis amoureux.

hélène.

De mes mains ?

léon.

Un peu ; de ta maîtresse beaucoup.

hélène, à part.

Pauvre jeune homme ! — (Haut.) Et mademoiselle Pauline, votre fiancée ?

léon.

C’est une charmante personne.

hélène.

Que vous aimez aussi ?

léon.

Comme une sœur.

hélène.

Cela ne fera pas son compte ; car je crois qu’elle vous aime autrement qu’un frère.


léon.

Tiens, voilà ce qui m’inquiète, et me rend parfois si triste.

hélène, riant.

Vous ? Ah ! par exemple !

léon.

Mais aussi, comment diable madame de Vertpré ne réfléchit-elle pas que, pour marier sa nièce, c’est un mauvais moyen que de la prendre auprès d’elle ? Certainement, avant d’avoir vu ta maîtresse, j’aimais Pauline de toute mon âme… mais, depuis cette époque, depuis que je les vois toutes deux à côté l’une de l’autre, malgré moi je fais des comparaisons… Elles sont jolies toutes deux ; mais madame de Vertpré a dans sa beauté quelque chose de plus piquant… Toutes deux sont pétillantes d’esprit ; mais l’esprit de madame de Vertpré est complété par l’usage du monde, qui manque à Pauline… Chacune d’elles a un excellent caractère, mais pour un rien, Pauline se fâche et boude ; madame de Vertpré, au contraire, est toute et toujours gracieuse… Pauline m’aime, je le sais ; mais, sans fatuité, madame de Vertpré ne me déteste pas ; elle m’accorde hautement le titre d’ami, et un autre que moi, en récapitulant nos promenades, nos causeries, les petits services qu’à chaque instant elle me demande, et que je suis si heureux de lui rendre, un autre que moi… Eh bien ! cela te fait rire ?

hélène.

Auriez-vous la prétention d’épouser madame de Vertpré, par hasard ?

léon.

Pourquoi pas ?

hélène.

Pardon, mais c’est que…

(Elle rit.)
léon.

N’est-elle pas veuve ?

hélène.

Ah ! C’est vrai ; je l’oubliais. On sonne chez madame de Vertpré. Voyez, voilà qu’on m’appelle ; je bavarde avec vous, et je vais être grondée.

léon.

Tu diras à ta maîtresse que je t’ai retenue pour te dire qu’elle est charmante, et elle te pardonnera.

hélène.

Soyez tranquille.

(Elle rentre.)



Scène III


LÉON seul, puis PAULINE.
léon.

Il n’y a pas de mal à conter ses secrets à la femme de chambre, la maîtresse en apprend toujours quelque chose. Ainsi elle avait prévu que je viendrais, et elle avait dit que je restasse ! C’est que c’est long