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Aujourd’hui !… il arrive aujourd’hui ! Cher Paul !… Venez, Hélène, et écoutez bien ce que je vais vous dire ; ce matin, un monsieur de 35 à 36 ans se présentera pour me parler ; si je suis avec quelqu’un, vous me préviendrez ; si je suis seule, vous le ferez entrer.

hélène.

Madame veut-elle me dire son nom ?

madame de vertpré.

C’est inutile, vous le reconnaîtrez sans qu’il se nomme. Excepté M. Léon Auvray, fiancé de Pauline, qui vient nous voir tous les jours à cette campagne, je ne reçois personne ; ainsi…

hélène.

Si je me trompais, alors madame ne m’en voudrait pas ?

madame de vertpré.

Des cheveux bruns, des yeux noirs, taille moyenne ; voilà son signalement, retenez-le.

hélène.

Si monsieur Léon était avec madame, cela ne ferait rien ?

madame de vertpré.

Non, sans doute.

hélène.

Mais si madame était à sa toilette ?

madame de vertpré.

Vous le conduiriez près de moi.

hélène.

Sans prévenir madame ?

madame de vertpré.

Sans me prévenir.

hélène.

Je demande pardon à madame de toutes mes questions, mais madame n’a pas l’habitude de recevoir tout le monde.

madame de vertpré.

La personne que j’attends n’est pas tout le monde.

hélène.

Je voulais dire les étrangers.

madame de vertpré.

Ce monsieur n’est point un étranger.

hélène.

Madame peut être tranquille, aussitôt que son parent sera arrivé…

madame de vertpré.

Je n’attends pas de parents.

hélène, avec finesse.

Alors, je devine.

madame de vertpré.

Vous devinez fort mal.

hélène.

C’est…

madame de vertpré.

Mon mari, mademoiselle.

hélène.

Le mari de madame ? Mais tout le monde la croit veuve.

madame de vertpré.

Mais tout le monde se trompe. Maintenant, écoutez : Comme vos questions indiscrètes, vos suppositions plus indiscrètes encore m’ont forcée envers vous à une confidence que je ne comptais pas vous faire, vous aurez la bonté de garder le silence, ou, à la moindre indiscrétion, vous entendez, à la moindre, je serais obligée de vous renvoyer, Hélène, et cela malgré l’affection que je vous porte ; car ce secret n’est point à moi seule, et il pourrait compromettre une personne qui m’est plus chère que moi-même.

hélène.

Oh ! madame, soyez sûre !…

madame de vertpré.

C’est bien. Vous voilà prévenue, ainsi soyez discrète… On monte. — (Elle entre à moitié dans sa chambre.) Voyez qui.

hélène, regardant.

Monsieur Léon ! faut-il dire que madame n’y est pas ?

madame de vertpré.

Non, dites-lui de m’attendre ; puis vous viendrez me donner mon chapeau.

(Elle rentre.)



Scène II


HÉLÈNE, LÉON.
léon, Frappant à la porte qui est dans l’angle à droite.

Puis-je entrer ?

hélène.

Oui.

léon, entr’ouvrant la porte.

Seule ?

hélène.

Seule.

léon.

Il me semblait avoir entendu la voix de madame de Vertpré.

hélène.

Elle était là tout à l’heure, et, en vous entendant…

léon.

Elle est rentrée dans sa chambre ; ce qui veut dire qu’elle ne me recevra pas ce matin.

hélène.

Eh bien, au contraire, elle vous prie d’attendre que sa toilette soit achevée.

léon.

Elle t’a dit cela ?