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64 LETTRE

modèle des rois, ayant été fait par ce qu’il y avait de plus riche et de plus intelligent en France. Nous ne pouvions pas encore être fanatiques de celui-là, attendu qu’il n’avait pas fait ses preuves.

Il nous restait donc deux choses à aimer : la liberté et l’art. Nous nous jetâmes dans cette religion nouvelle qui nous séduisait par deux mots inconnus jusque-là.

Il n’y avait presque pas eu d’art, mais il n’y avait pas eu de liberté du tout.

On sentait l’intelligence de la patrie menacée : il y eut, comme en 92, des enrôlements volontaires.

Aucun de ces nouveaux soldats de l’art et de la liberté n’était riche ; quelques-uns avaient des places de 1,000 à 1,500 francs.

Cent louis étaient un de ces résultats que les plus hautes ambitions n’osaient espérer. Mes appointements les plus élevés ont monté, et montaient, lorsque je donnai ma démission le 8 août 1830, à 166 fr. 66 c. par mois.

Combien gagniez-vous, mon cher ami ? vous ne deviez pas être bien riche non plus.

Le moyen, avec 4 ou 5 francs par jour, de penser à la gastronomie ? non ! il fallut penser au plus pressé, il fallut penser à vivre avant de penser à manger.

Chacun de nous se trouva alors comme un homme qui se serait endormi dans une plaine inconnue. Au jour naissant, il s’éveillait et se trouvait dans un air plein de brouillards qui s’effaçaient peu à peu, et qui laissaient distinguer à chacun la route qu’il devait suivre.

Un an après on disait :

Que fait Lamartine ? — Ses Nouvelles Méditations. Que fait Hugo ? — Marion Delorme. Que fait Méry ? — La Villéliade.

Que fait de Vigny ? — La Maréchale d’Ancre. Que fait Barbier ? — Ses Iambes.

Que fait de Musset ? — Ses Contes d’Espagne et d’Italie. Que fait Roger de Beauvoir ? — L’Écolier de Cluny. Que fait Janin ? — Barnave.