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généraux, grands ministres, grands diplomates, grands poëtes, sont venus s’asseoir à cette table, et pas un qui n’ait reconnu que c’était là où se pratiquait la plus large hospitalité. On y trouvait d’habitude M. de Fontanes, M. Joubert, M. Desrenaudes, le comte d’Auterive, et M. de Montron, cet homme d’esprit que le XVIIIe siècle nous a légué assez jeune encore pour que le XIXe pût l’apprécier.

La Révolution avait tué les grands seigneurs, les grandes tables, les grandes manières : M. de Talleyrand rétablit tout cela ; et, grâce à lui, la réputation de la France fit de nouveau le tour du monde comme réputation de faste et d’hospitalité.

M. de Talleyrand, à quatre-vingts ans, passait tous les matins une heure avec son cuisinier, et discutait avec lui tous les plats de son dîner, seul repas qu’il fît, car le matin il ne prenait, avant de se mettre au travail, que deux ou trois tasses de camomille.

Tous les ans le prince allait prendre les eaux de Bourbon-l’Archambault, qui avaient une excellente influence sur sa santé ; il se rendait de là dans son magnifique château de Valençay, dont la table était ouverte à tous les hommes distingués de l’Europe.

À Paris, le prince dînait à huit heures ; à la campagne, à cinq ; quand le temps était beau, une promenade succédait au dîner.

En rentrant on se mettait à la table de jeu, et le silencieux whist avait son tour ; le jeu fini, M. de Talleyrand se retirait dans son cabinet de travail ; là il s’assoupissait ; ses flatteurs disaient : « Le prince réfléchit ! »

Ceux qui ne voyaient pas la nécessité de flatter disaient tout simplement : « Monseigneur dort. »

L’Empereur, nous l’avons dit, n’était ni mangeur ni connaisseur ; mais il savait gré à M. de Talleyrand de son train de vie.

Voici l’opinion de l’illustre cuisinier Carême sur la cuisine de Cambacérès, que l’on nous a si souvent vantée à tort, à ce qu’il paraît :

« J’ai écrit plusieurs fois — c’est Carême qui parle — que