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Il avait, sur le golfe de Naples, deux palais, celui que je viens d’indiquer, et un autre au-dessus de Mergellina, puis un troisième à l’île de Nisida, où sont aujourd’hui le Lazaret et le palais de la reine Jeanne.

Pour communiquer de l’un de ces palais à l’autre, il lui fallait faire une demi-lieue en contournant la montagne. Il trouva plus court de la faire percer.

Il allait ainsi en quelques minutes et fraîchement de sa villa de Mergellina à sa villa de Nisida.

C’est à sa villa du château de l’Œuf que Cicéron et Pompée résolurent un jour de venir lui demander à dîner, mais sans lui permettre de faire pour eux aucun extra.

Ils arrivèrent chez lui à l’improviste, lui déclarèrent leur intention, et ne le laissèrent donner aucun ordre, excepté celui de mettre deux couverts de plus.

Lucullus fit venir son majordome et ne lui dit que ces paroles :

« Deux couverts de plus dans le salon d’Apollon. »

Or, le majordome savait que dans le salon d’Apollon la dépense était pour chaque convive de vingt-cinq mille sesterces, six mille francs.

Ils n’eurent donc que ce que Lucullus appelait un petit dîner, dîner de six mille francs par tête.

Un autre jour, par un hasard incroyable, Lucullus n’avait invité personne à s’asseoir à sa table.

Son cuisinier vint lui demander ses ordres.

« Je suis seul, » dit Lucullus.

Le cuisinier, pensant qu’un dîner de dix ou douze mille sesterces, deux mille cinq cents francs, pourrait suffire, agit en conséquence.

Le dîner fini, Lucullus le fit venir, et le gronda vigoureusement.

Le cuisinier s’excusa, lui disant

« Mais, seigneur, vous étiez seul.

— C’est justement les jours où je suis seul à table, dit Lucullus, qu’il faut soigner mon dîner : car, ce jour-là, Lucullus dîne chez Lucullus. »