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sonner, les mouiller à trois quarts de hauteur de vin blanc, du jus d’un citron, et de la cuisson de deux douzaines d’huîtres blanchies ; ajouter un bouquet de persil garni, ainsi qu’un petit morceau de beurre manié avec autant de farine que de poudre de kari ; fermer la casserole, la poser sur un bon feu, faire bouillir le liquide pendant douze minutes, enlever les tronçons un à un, sans les briser, les dresser sur un plat chaud, enlever le bouquet, lier le fond de cuisson avec trois jaunes d’œufs délayés, cuire la liaison sans la faire bouillir, mêler les huîtres à la sauce, et la verser sur les tronçons.

STERLET. — Il existe en Russie un poisson pour lequel les Russes ont une prédilection pareille à celle que les Romains avaient pour le surmulet et la dorade.

On sait qu’à Rome l’amphitryon avait l’habitude de montrer vivants la dorade et le mulet qui devaient être servis au dîner.

Or, comme il y avait douze lieues à faire de l’endroit où on les pêchait jusqu’à Rome, des esclaves placés en relais les apportaient en courant sans les changer d’eau et arrivaient presque toujours à temps pour que les convives pussent voir dans leur agonie se ternir For, la pourpre et l’azur de leurs écailles.

Il en était de même et bien pis encore chez un Russe, quand il s’agissait de faire manger un sterlet à ses amis. Le sterlet ou petit esturgeon (oAcipenser rethenus) était un mets auquel les grands seigneurs de Pétersbourg et les boyards de Moscou ne voyaient rien à comparer ; le grand esturgeon ordinaire ne restait estimé par eux que parce qu’il fournissait le caviar.

Avant qu’il y eût des chemins de fer en Russie, il fallait parfois faire faire à un sterlet deux ou trois cents lieues pour avoir l’honneur d’être servi sur la table d’un prince : or, dans les gelées d’hiver, quand le baromètre est à 30 ou 3a degrés au-dessous de zéro et qu’il faut faire faire à un poisson deux ou trois cents lieues dans la même eau, à une température égale à zéro, ce n’est pas chose facile, puisqu’il faut réchauffer l’eau au fur et à mesure qu’elle se refroidit ; on avait donc des voitures rien que pour le transport des sterlets, et il arrivait parfois qu’une simple soupe au sterlet, s’il entrait dans sa confection deux ou trois de ces poissons, revenait à 6 ou 8,000 francs.