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HISTOIRE DE MES BÊTES.

traîtres me trompaient donc, et, au lieu de faire ma caricature, c’était donc mon portrait qu’ils faisaient ?…

Outre l’inconvénient de ne pouvoir aller nulle part incognito, cette popularité de mon visage en a encore un autre : c’est que tout marchand, ayant lu dans mes biographies que j’ai l’habitude de jeter mon argent par les fenêtres, ne me voit pas plutôt approcher de son magasin, qu’il prend la vertueuse résolution de vendre trois fois plus cher à M. Dumas qu’il ne vendrait au commun des martyrs, résolution qu’il met tout naturellement à exécution.

Enfin, le mal est fait, il n’y a plus à y remédier.

Le marchand me dit donc, de cet air onctueux du marchand qui est bien décidé à vous vendre quand même vous ne seriez pas décidé à lui acheter :

— Monsieur Dumas, vous accommoderai-je de ma guenon et de mon perroquet ?

Il n’y avait que deux lettres du mot à changer pour lui donner sa véritable signification, qui était : « Monsieur Dumas, vous incommoderai-je de ma guenon et de mon perroquet ? »

— Bon ! répondis-je, du moment que vous me connaissez, vous allez me vendre votre perroquet et votre singe deux fois ce qu’ils valent.

— Oh ! monsieur Dumas, pouvez-vous dire ! Non, ce n’est pas à vous que je voudrais surfaire. Vous me donnerez… voyons…

Le marchand eut l’air de chercher à se rappeler le prix d’achat.

— Vous me donnerez cent francs.

Je dois dire que je tressaillis d’aise. Je n’ai pas une connaissance bien exacte du prix courant de la place à l’égard des