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HISTOIRE DE MES BÊTES.

mon honneur et celui de ma famille, qu’il est bien heureux que je ne sois pas né femme.

Je m’arrêtai donc, serrant, d’une main, la patte de la guenon et grattant, de l’autre, la tête de l’ara, au risque qu’il m’en arrivât autant qu’avec l’ara du colonel Bro. Voir mes Mémoires.

Mais, loin de là, la guenon tira doucement ma main à la portée de sa gueule, passa sa langue à travers les barreaux de sa cage, et me lécha tendrement les doigts.

Le perroquet inclina sa tête jusqu’entre ses deux pattes, ferma à demi et béatement ses yeux, et fit entendre un petit râle de volupté qui ne laissait aucun doute sur la sensation qu’il éprouvait.

— Ah ! par ma foi ! me dis-je, voilà deux charmants animaux, et, si je ne les soupçonnais pas de valoir la rançon de Duguesclin, je demanderais leur prix.

— Monsieur Dumas, dit le marchand en sortant de sa boutique, vous accommoderai-je de ma guenon et de mon perroquet ?

Monsieur Dumas ! c’était une troisième flatterie qui mettait le comble aux deux autres.

Un jour, je l’espère, quelque sorcier m’expliquera comment il se fait que mon visage, un des moins répandus qu’il y ait par la peinture, la gravure ou la lithographie, soit connu aux antipodes, de façon que, partout où j’arrive, le premier commissionnaire venu me demande :

— Monsieur Dumas, où faut-il porter votre malle ?

Il est vrai qu’à défaut de portrait ou de buste, j’ai été grandement illustré par mes amis Cham et Nadar ; mais alors les deux