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HISTOIRE DE MES BÊTES.

lement. Le corps n’est que l’enveloppe de l’âme, le fourreau de l’épée. »

Or, jusqu’à présent, vous ne connaissez que l’enveloppe de Mouton, vous ne connaissez que le fourreau du descendant d’Allan.

Et encore vous le connaissez mal.

Je vous ai montré Allan avec un collier d’or incrusté de rubis et une sonnette du même métal au cou ; ce luxe, vous le comprenez bien, était bon pour le chien d’un frère de roi ; mais le chien d’un romancier ou d’un auteur dramatique n’a pas droit à pareille distinction,

Mouton n’avait donc aucun collier d’or incrusté de rubis ; il n’avait pas même un collier de fer, pas même un collier de cuir. Ce point rectifié, passons au caractère de Mouton.

Son caractère était assez difficile à définir. Au premier aspect, Mouton paraissait plutôt sympathique que bilieux, sanguin ou nerveux ; il était lent dans ses mouvements, sombre dans ses actes. J’avais voulu interroger Challamel sur ses antécédents, et il s’était contenté de me répondre :

— Tâchez d’abord qu’il s’attache à vous, et vous verrez ensuite ce qu’il peut faire.

Cela m’avait donné quelque défiance sur le passé de Mouton : mais, par malheur, rien n’est plus loin de mon caractère que la défiance ; je ne songeai donc qu’a faire en sorte de m’attacher Mouton.

En conséquence, à déjeuner et à dîner, je lui mettais mes os de côté, et, après chaque repas, je les lui portais moi-même.

Mouton mangeait ses os avec un appétit féroce et lugubre à la