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HISTOIRE DE MES BÊTES.

— Vous lui avez attaché le sucrier au museau, je comprends…

— Non, il tient tout seul.

— Tout seul ?

— Oui, regardez plutôt.

— Il a donc le bout du nez aimanté, le brigand ?

— Ce n’est pas cela : vous comprenez, il a fourré son nez dans le sucrier, qui est plus large au fond qu’à son ouverture, puis il a ouvert la gueule, puis il a empli sa gueule de sucre ; je suis arrivé sur ce moment-là ; il a voulu refermer la gueule, les morceaux de sucre s’y sont opposés ; il a voulu retirer son museau, il n’a pas pu, la gueule était ouverte. M. Pritchard a été pris comme un corbeau dans un cornet ; il en a jusqu’à ce que le sucre fonde.

— Oh ! c’est égal, monsieur Dumas, dit madame Vatrin, vous conviendrez que vous avez là un chien terrible, et que celui qui vous l’a donné aurait aussi bien fait de le garder pour lui.

— Voulez-vous que je vous avoue une chose, chère madame Vatrin, lui répondis-je, c’est que je commence à être de votre avis.

— Eh bien, c’est étonnant, dit Vatrin, tout cela, au contraire, m’attache à lui ; j’ai idée que nous en ferons quelque chose, moi.

— Et vous avez raison, père Vatrin, dit Corrége ; tous les grands hommes ont eu de grands défauts, et, une fois sortis du collège, ce ne sont pas les prix d’honneur qui font parler d’eux.

Pendant ce temps, le sucre avait fondu, et, selon la prédiction de Michel, Pritchard s’était démuselé tout seul.

Seulement, de peur de nouveaux accidents, Michel avait noué