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HISTOIRE DE MES BÊTES.

C’était Pritchard qui se pavanait sur le pont du Pecq, regardant couler l’eau par les ouvertures du parapet.

— Fichtra ! s’écria Michel.

— Bon ! dis-je, voilà que vous parlez auvergnat, vous. — Vatrin, si nous ne savons que faire de Pritchard, nous en ferons un maître de langues.

— Vous en ferez un vagabond, voilà tout, dit Vatrin, et pas autre chose. Voyez-vous où il va ! tenez, tenez.

— Vatrin, n’incriminez pas Pritchard pour ses bonnes qualités ; vous aurez, croyez-moi, assez à faire avec les mauvaises. Où il va, je vais vous le dire : il va dire bonjour à mon ami Corrége, et lui manger son déjeuner, si la servante n’y fait pas attention.

En effet, un instant après, Pritchard sortit de la station du Pecq, poursuivi par une femme armée d’un balai.

Il tenait à la gueule une côtelette qu’il venait de prendre sur le gril.

— Monsieur Dumas, criait la femme, monsieur Dumas, arrêtez votre chien !

Nous barrâmes le passage à Pritchard.

— Arrêtez ! arrêtez ! criait la femme.

Ah oui ! autant eût valu essayer d’arrêter Borée enlevant Orithye.

Pritchard passa entre Michel et moi comme un éclair.

— Il paraît, dit Michel, que le gueusard aime la viande saignante.

— Mouton bêlant, veau saignant, porc pourri, dit sentencieusement Vatrin en suivant des yeux Pritchard, qui disparut au tournant de la montée.