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HISTOIRE DE MES BÊTES.

— Ah ! continua Vatrin, si le général avait eu un chien pareil !…

— Qu’aurait-il fait, Vatrin ? demandai-je. Nous ferons ce qu’il aurait fait.

— Il aurait, dit Vatrin, il aurait…

Puis, s’arrêtant et réfléchissant :

— Il n’aurait rien fait, continua-t-il : car le général, voyez-vous, c’était la bête du bon Dieu.

— Eh bien, que ferons-nous, nous, Vatrin ?

— Le diable m’emporte si je le sais ! dit Vatrin. M’entêter à garder ce guerdin-là, il démolira la maison ; vous le rendre…, je ne veux cependant pas avoir le dernier avec un chien : c’est humiliant pour un homme, savez-vous ?

Vatrin avait tellement la tête montée, que, pareil au Bourgeois gentilhomme, qui faisait de la prose sans s’en douter, Vatrin, sans le savoir, parlait belge. Je vis qu’il était arrivé au dernier degré de l’exaspération, et je résolus de faire une proposition conciliatrice.

— Écoutez, Vatrin, lui dis-je, je vais mettre mes souliers de chasse et mes guêtres. Nous allons descendre au Vésinet, nous ferons un tour sur votre garderie, et nous verrons bien à nous deux si c’est la peine qu’on s’occupe davantage de ce guerdin-là, comme vous l’appelez.

— Je l’appelle par son nom. C’est pas Pritchard qu’il fallait l’appeler : c’est Cartouche, c’est Mandrin, c’est Poulailler, c’est l’Artifaille !

Vatrin venait de dire les noms des quatre plus grands bandits dont les histoires aventureuses eussent bercé sa jeunesse.