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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Voici ce qui était arrivé et ce qu’il n’osait dire tout haut :

Il avait fait la même promenade que la veille ; en passant dans le sentier où il avait tué la vipère, Flore avait senti le cadavre, elle s’en était approchée et avait poussé un cri.

Puis, presque aussitôt, elle était entrée en convulsions et était morte comme foudroyée.

Notre garde savait qu’il n’y a pas d’effet sans cause : il chercha donc la cause de l’accident. Un frétillement dans l’herbe lui annonça la présence d’un animal rampant ; il lira la baguette de fer de son fusil, écarta les herbes et vit une vipère essayant de fuir.

Un coup de sa baguette de fer l’arrêta court.

C’était non-seulement une vipère, mais deux vipères ; il est vrai que l’une était morte, et l’autre vivante. La vipère tuée la veille était une vipère femelle ; son mâle l’avait trouvée expirante, et espérant sans doute la ranimer dans ses embrassements, il s’était attaché à elle comme c’est l’habitude de ces reptiles. Avec le corps vivant du reptile qui avait tué Flore, le garde avait amené le corps mort de la vipère qu’il avait tuée la veille.

C’était sans doute sous l’exaspération de la douleur morale qu’avait produite chez le mâle la mort de la femelle que le venin avait acquis une assez grande énergie pour tuer Flore en quelques secondes.

Les cavités dentaires des vipères contiennent huit milligrammes de venin ; il faut ces huit milligrammes entiers pour tuer un chien, seize milligrammes pour tuer un homme. Or, il est rare que, dans la pression, la vipère fasse jaillir les huit milligrammes entiers de venin. Mais on a remarqué que, sous